Une mauvaise surprise
Genovieva 7e épisode
Autour de la table familiale, Genovieva discute avec son frère:
– Ecoute, Teodor! Ce chrétien danois est venu pour quelques semaines dans notre pays. En le traduisant l'autre soir, j'ai compris. J'ai invité Jésus-Christ dans ma vie. Je suis si heureuse. Pour s'adresser aux gens des villages voisins, ce prédicateur a besoin d'une personne qui puisse traduire de l'anglais en roumain. Pour me rendre utile, je vais l'accompagner...
– Je te comprends, Genovieva, et même je t'admire de vouloir faire cela. Mais tu prends de gros risques. La police secrète est partout. Pense au père de Catalin: il a parlé de Dieu en public. Et maintenant, il est en prison!
– Je sais, soupire Genovieva. C'est si triste, ce qui se passe dans notre cher pays. Mais les croyants courageux doivent quand même agir!
– Tu as bien changé, Genovieva! constate Teodor. Souviens-toi... craignant d'avoir des ennuis même à l'université, tu as beaucoup hésité à traduire ce croyant quand il est venu chez nous. Et maintenant, tu as le courage d'aller dans ces villages. Tu n'as donc plus peur? |
Toi, tu serais utile pour la traduction. Et moi, je suis prêt à faire n'importe quoi, tu le sais bien. Je pourrais aussi chanter en jouant de la guitare...
– Bonne idée! Et je ne serais pas seule. Partir tous les deux, ce serait bien mieux... Il faut qu'on en parle à papa et maman
– Bravo! dit aussitôt le père de famille. Que de jeunes s'ennuient ou perdent leur temps pendant les vacances! Pour vous deux, au moins ce sera une expérience enrichissante et utile! Allez-y, et que Dieu vous. garde! Mais soyez prudent: la police est partout!
Emportant le minimum dans un sac, très tôt le lendemain matin le frère et la soeur se rendent à la gare et prennent un train de banlieue. Quelques heures plus tard, au village désigné, ils retrouvent le prédicateur. Et le soir, chez un couple de croyants, plusieurs personnes viennent écouter l'Evangile. Chacun apprécie la traduction de Genovieva. La jeune étudiante y met tout son coeur et toute sa conviction.
Un peu plus tard, le frère et la sœur se couchent sur deux matelas disposés par terre dans une mansarde. Mais la nuit sera courte. Dans quelques heures déjà, quelqu'un viendra les réveiller. Pourquoi si tôt?
Ils profiteront de l'obscurité pour accompagner le prédicateur dans un autre village. En plein jour, le petit groupe risquerait d'attirer un peu trop l'attention... Il faut être prudent. Mais quelle joie de pouvoir servir Dieu!
Le temps passe trop vite quand on est en vacances! Bientôt, les cours du collège et de l'université reprendront. Genovieva et son frère doivent penser à rentrer. A quatre heures du matin, un train les ramènera en ville.
A la petite gare du village, ils ne sont pas seuls. Comme chaque jour, déjà quelques ouvriers partent au travail. Mais voyez-vous cet homme au chapeau noir? Monté dans le même wagon, il observe nos deux jeunes avec insistance... Qui est-ce? Les autres n'ont pas l'air de le connaître.
Quand le train arrive à destination, l'homme au chapeau noir s'empresse de se lever. Il veut être le premier à descendre... Sur le quai, un ami semble l'attendre. En effet, ils se font un petit signe très discret...
Le frère et la sœur sortent de la gare. Les deux hommes aussi... Déjà la place s'anime en ce début de matinée. Teodor et Genovieva s'engagent dans une petite rue. Ils y sont suivis...
Silencieusement les deux hommes les rattrapent. Maintenant une main saisit le bras du jeune adolescent, tandis qu'une autre exhibe une carte. Surpris, Teodor regarde le visage, puis la carte. Deux mots lui suffisent pour comprendre: "Police secrète"!
– Où allez-vous, tous les deux?
– Nous rentrons chez nous!
– Et peut-on savoir d'où vous rentrez?
– D'un village voisin. Nous étions chez des amis, pendant nos vacances...
– Suivez-nous! dit l'agent en civil.
– Mais... proteste Teodor.
– Nous nous expliquerons plus loin! répond très discrètement le policier. Venez! Par ici, s'il vous plaît!
C'est la première fois que Genovieva et son frère se font arrêter. Où les conduit-on? Et que va-t-on faire d'eux? Ils marchent sans savoir...
Dans une rue à l'écart, une voiture les attend. On les fait monter. En route pour la "Securitate"! Genovieva et Teodor ne peuvent qu'échanger quelques regards inquiets...
Bientôt la voiture pénètre dans une cour. Un portail se referme. On est arrivé! Après quelques marches, voici un long couloir. On conduit Genovieva dans une pièce, et son frère dans une autre. L'interrogatoire peut commencer.
La séance va durer trois longues heures, toujours avec des questions de ce genre:
– Chez qui étiez-vous? Pour quoi faire? De quoi avez-vous parlé avec vos amis? Avez-vous reçu des Bibles chez vous, et les leur avez-vous apportées?
Dans une pièce comme dans l'autre, on répond avec sincérité, ce qui exaspère les policiers. Heureusement, Genovieva et son frère ne sont pas battus. Mais on leur fait de sévères menaces:
– Vous n'avez pas le droit de vous réunir dans des maisons de chrétiens, ni de rencontrer des étrangers. Cela, vous devez le savoir, et vous feriez bien de le dire aux autres!
Mais le policier va plus loin:
– Dorénavant, nous allons vous surveiller de près, vous deux!
– Et si vous ne voulez pas avoir de sérieux ennuis, ajoute l'autre agent, tâchez de vous souvenir de ce qu'on vous dit! Compris?
– Compris!
– Maintenant, on vous accompagne chez vous. Et nous saurons bien si vous cachez des Bibles!
Puis, se tournant vers son collègue, l'agent tire son revolver de sa poche.
– As-tu le tien? demande-t-il.
– Oui! répond l'autre en montrant son arme. Il est chargé!
Toute cette mise en scène n'a qu'un but: intimider les deux jeunes chrétiens.
– Bon, allons-y! Montez dans la voiture!
Enfin, voici la rue... et voici la maison. Quand ils voient arriver leurs enfants escortés par trois agents de la "Securitate", les pauvres parents passent de l'inquiétude à la crainte.
Tandis qu'un policier tient la famille sous bonne garde, déjà les deux autres entreprennent une fouille systématique de la maison. Ah! s'ils peuvent mettre la main sur un lot de Bibles, ils auront une très bonne raison pour emprisonner les parents.
Pendant plus de deux heures toutes les armoires sont inspectées. Un matelas est même éventré. Mais les policiers ne trouvent heureusement rien de très compromettant.
Quel soulagement quand, enfin, ils décident de quitter les lieux!
– Courage! dit alors le père de famille, notre Dieu est puissant. Il a promis d'être notre bouclier. Ce qu'il a dit, ne le fera-t-il pas?
Texte: Samuel Grandjean