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Des chants traversent la rue

Genovieva, 2e épisode

– Venez, les enfants, on va chanter! dit un jour le père de famille.
– Oh oui, papa! s'écrient les enfants, tu nous accompagnes avec ton violon?
– Bien sûr. Je viens de l'accorder.
– Youpie! on va faire un beau concert!
– Alors, allons-y ! reprend le papa. Tout le monde est prêt? On commence par un chant folklorique. Il y en a de si jolis dans notre belle Roumanie.
Et le petit chœur entonne un joyeux refrain. Qu'on est bien en famille! Là, personne ne vous fait de reproches parce que vous croyez en Dieu.

Pendant ce temps, près du petit fourneau à bois de l'humble cuisine, la maman prépare le repas du soir: une bonne soupe de pommes de terre, bien épaisse, qui remplira les estomacs affamés.

C'est tout ce qu'elle a pour le souper. Pourtant, ce matin comme tous les autres jours, elle a fait la queue pendant plusieurs heures devant les magasins. Mais elle n'a trouvé que du pain rassis, et quelques pommes de terre...
– Maintenant, poursuit le papa, je vais vous apprendre un beau chant. Je joue d'abord la mélodie... ça vous plaît. Et voici les paroles. Elles se rapportent à Dieu, notre Créateur.
– Mais papa! interrompt Costica, le jeune frère de huit ans, alors pourquoi la maîtresse nous dit chaque matin que Dieu n'existe pas?
– Hélas, elle n'a pas le bonheur de connaître Dieu. Elle n'a sûrement jamais lu la Bible.

– Oh, papa! s'exclame soudain Genovieva, on entend de nouveau crier. Encore un prisonnier qu'on est en train de battre!
Un prisonnier? Hélas oui! Juste en face, de l'autre côté de la rue, il y a une prison. Et malheureusement, certains s'y trouvent parce qu'ils sont chrétiens. C'est ainsi, dans ce pays. Mais quelle souffrance pour tant de familles!
– Oh, papa, j'ai une idée, dit un jour Genovieva, j'ai vu que les prisonniers sortent chaque jour dans la cour pour se rendre au travail. A ce moment-là, si nous allions au jardin pour entonner nos chants? On les sait si bien. On commencerait par des chants folkloriques et puis... de temps en temps on chanterait un cantique. Ca pourrait les encourager. Tu ne trouves pas?
– Oui, Genovieva, c'est une très bonne idée.

Et voilà notre "chorale" au jardin. Le chef de famille a pris son violon. Quel beau concert! Toute la petite équipe tourne le dos à la rue. Elle chante apparemment pour la maison. Mais les notes et les paroles savent bien traverser la rue, même toutes seules! Quelle joie pour les jeunes chanteurs, et quelle émotion pour certains prisonniers!

Un jour, on frappe à la porte. Qui est là? Une femme. Son visage est en partie caché par un châle de laine.
– Catalina! s'exclame la mère de famille en embrassant la visiteuse. Entre vite! Nous pensons bien à toi...
– Merci, j'en ai vraiment besoin. Etre brusquement privée de son mari, c'est dur, surtout avec quatre enfants au foyer...
– Mais raconte-nous, Catalina, que s'est-il passé?

– Au travail, mon mari Nicolae avait un collègue qui s'intéressait à la Bible. Comme il n'en avait pas, Nicolae lui a promis de lui prêter la sienne. En quittant le travail, l'autre jour, il la lui a passée, comme convenu...
– Mais malheureusement, continue Catalina, un chef a surpris ce geste. Alertée, la police est arrivée. Brutalement, ils ont emmené Nicolae. Dans quelle prison est-il, à présent, et pour combien de temps?

Pauvre Catalina! Pour arriver chez les parents de Genovieva, elle s'est rendue tout au nord de la ville. Elle savait qu'au bout de cette petite rue tranquille, elle trouverait la maison, la dernière à gauche. A droite... non, elle n'a pas osé regarder. D'ailleurs c'est défendu. Un grand panneau avertit les passants. En plusieurs langues, on peut y lire: "PAS D'INTRUS". Les gens du pays savent ce que cela veut dire: Ne vous arrêtez pas ici! Passez votre chemin! Pas de regards indiscrets et surtout pas de photos!
Qui se trouve derrière ces murs? Nicolae peut-être, ou d'autres hommes qu'on estime dangereux. En arrêtant certains, on leur a dit à peu près ceci:
– Malgré nos avertissements, tu continues d'empoisonner les autres avec tes idées de chrétien. Ton entêtement va te coûter cher, mais tu l'auras voulu!

– Attendez, Catalina! a proposé Genovieva. J'ai fini mes devoirs. Je vais me mettre à la fenêtre. Et s'il se passe quelque chose, je vous appelle. Mais ne vous montrez pas, vous!

La voici donc à son poste d'observation. Juste devant la fenêtre, il y a le verger. Les branches des deux pommiers semblent s'écarter exprès pour laisser voir l'autre côté de la rue. Derrière un mur se dresse une tour d'un étage seulement. Mais sur la dalle de béton qui lui sert de toit, il y a quelqu'un. Armé d'une mitraillette, un soldat va et vient. De temps en temps, il fait un signe à son camarade posté en sentinelle sur l'autre mirador.
Des croisillons de fer plantés sur le haut du mur laissent entrevoir les tristes bâtiments. Que de fois Genovieva les a regardés de la fenêtre! Souvent déjà, elle a vu les prisonniers passer le grand portail pour aller couper du bois dans le parc voisin. Un gardien marche devant. Un autre suit le groupe, accompagné de deux gros chiens-loups. Gare au malheureux qui tenterait de prendre le large!

Non, Catalina n'a pas pu apercevoir son mari. Mais heureusement pour eux, après une semaine de prison, Nicolae est relâché. Il se promet d'être encore plus prudent.

Et Genovieva... Bonne élève à l'école, elle rêve de devenir... Oh! n'allons pas trop vite!
Quelles "surprises" lui prépare-t-on secrètement?

Texte: Samuel Grandjean


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