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Aracy 10 - Une école bien différente

- Aracy, j'ai une très bonne nouvelle pour toi! dit un jour Dona Loide. Puisque tu as sept ans, tu vas enfin pouvoir commencer d'aller à l'école!
- Oh! quelle joie!

L'école! Il y a longtemps qu'Aracy attendait ce grand jour. Si souvent elle a vu les petits Indiens franchir le portail de la Mission Caiua. Elle a pu les observer pendant les récréations, les voir jouer, les entendre chanter. Mais jusqu'à présent, pour elle l'école semblait vouloir garder jalousement ses secrets. Aracy enviait tant les jeunes écoliers. Dans son coin, elle sentait bien qu'elle n'était pas des leurs. Ah ! mais tout va changer, maintenant!

La classe d'Aracy est aussi rudimentaire que les bâtiments de l'hôpital. Par terre, il y a les mêmes briques rouges. La différence? Au lieu de lits, on voit des bancs et des tables. Au lieu d'armoire à pharmacie, on devrait voir un tableau noir, mais on n'a pas encore pu en équiper toutes les classes.

Les prénoms des camarades d'Aracy? En voici quelques-uns. Pour les garçons: Mbandeja, Zozie, Boaventura, Felisbino, Marcolino. Et pour les filles: Pautilha, Ercita, Nena, Mamesta, Jovina, Maliria…

Une école comme une autre? Pas tout à fait! Si certains élèves ont la chance de demeurer près de la station missionnaire, d'autres viennent d'assez loin. Tenez! Cet enfant qui arrive… on va le questionner:
- Bonjour! Comment t'appelles-tu ?
- Olario!
- Et tu as quel âge?
- Neuf ans!
- Tu viens de loin?
- Assez! J'habite à la Sardinha!
Je me suis levé très tôt! Sans avoir ni mangé, ni bu, je suis parti nu-pieds. J'ai commencé par me frayer un passage entre les hautes herbes, celles qu'on appelle "herbes d'éléphant". Chez vous, elles toucheraient le plafond des chambres. En marchant je regardais toujours par terre. Je ne voulais pas risquer de poser le pied sur un serpent!
Plus loin, l'étroit sentier a débouché sur la route, un chemin de terre rouge souvent raviné par les pluies.
Un jour, j'ai eu de la chance… Une charrette à deux roues m'a rattrapé, tirée par un cheval. On m'a pris!
Ce matin, j'ai marché, marché, marché: treize kilomètres pur venir à l'école. J'en ferai tout autant pour rentrer.
- Et tu te plais, ici?
- Oh oui, surtout à présent! Mais les premiers jours n'ont pas été faciles. Quand je suis arrivé, je ne savais pas qu'il existait une autre langue que le caiua. A l'école, on parle le portugais. C'est la langue du Brésil. J'ai dû m'habituer. Aracy a bien de la chance: elle parle déjà le portugais!

Voilà donc Aracy dans sa première classe! Un stylo, des cahiers? Non, elle n'en possède pas. Ici, il faut se débrouiller avec ce qu'on a, et l'on n'a pas grand-chose! De vieilles feuilles de papier, parfois un peu tachées, parfois un peu fripées, font très bien l'affaire, pour apprendre à tracer des lettres.

Et comme l'école vient de recevoir quelques dizaines de crayons, Aracy en aura un pour elle toute seule. Elle est vraiment gâtée.

Tous les petits élèves sont entrés dans leur "classe". Ici, on entend chanter, là des voix enfantines répètent une courte phrase.

Déjà il fait très chaud: 35 degrés à l'ombre. Et il y a peu d'air! Il n'est pas étonnant que quelques enfants s'endorment sur leur "pupitre". Leur pupitre: une planche pour cinq ou six.

Au milieu de la matinée, tous se retrouvent soudain sous les grands arbres. Dona Zéria les y attend déjà avec sa grosse marmite. Qui est Dona Zéria? La directrice de l'école. Chaque jour, pour plus de deux cents élèves, elle prépare une soupe épaisse et nourrissante, une fois à la courge, une autre fois aux pâtes, au manioc ou aux patates douces. Et quand elle le peut, Dona Zéria y fait même cuire des os.
- Ca donne un si bon goût! disent toujours les petits Indiens.

Les os… ils occasionnent parfois quelques chicanes. Celui qui réussit à en obtenir un va le ronger aussi longtemps que possible.
- Allons, allons! dit gentiment Dona Zéria. Vite, on se met en rang. La distribution peut commencer: un bol à chaque enfant, deux pour ceux qui viennent de loin. Là, Olario se sent privilégié!

Ah! que la soupe est bonne! Quand on a fini, on s'en lèche les doigts passés au fond du bol. Pour la plupart de ces petits Indiens, ce sera la seule nourriture de toute la journée. Plus rien jusqu'à la récréation du lendemain!

Vous voyez bien que cette école est vraiment différent de la vôtre. Une chose encore que je ne dois pas oublier de vous dire: ces petits écoliers caiuas savent être reconnaissante. Un rien leur fait plaisir.
- Tu viens jouer avec moi, Aracy? demande Jovina.
Non! J'ai si chaud! Assieds-toi près de moi!

Tap… tap… tap ! Dona Zéria frappe des mains. C'est le moment de retourner en classe.

Bientôt, seuls quelques oiseaux picorent sous les grands arbres. Et pendant ce temps, d'autres petits écoliers marchent sous le soleil: ceux qui viennent pour l'après-midi.

Texte: Samuel Grandjean


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