Le secret d'Adja
Chapitre 2: Une voix dans le bois
- Déjà onze heures! s'exclama Raïssa, la mère d'Adja et de Micka. Le temps file quand on travaille. Bon! Maintenant, mes chéris... allez prendre un peu l'air. Ça vous fera du bien, après ces heures d'étude. Au premier étage, Raïssa écarte le rideau et jette un coup d'œil par la grande fenêtre. Elle voit les deux enfants. Ils s'engagent déjà dans l'allée ombragée. Chaque matin, dans une pièce transformée en petite salle d'école, Raïssa abandonne son rôle de maman pour celui d'institutrice. C'est ainsi depuis plusieurs années. Il a donc été décidé que Raïssa, ancienne enseignante, se chargerait elle-même d'instruire les deux garçons.
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- Viens Micka! suggère Adja, on trouvera sûrement des fraises dans la petite forêt! Allons-y!
Cachées dans la verdure, ces sympathiques taches rouges n'attendent que les doigts agiles des petits gourmands.
- Regarde, c'en est tout plein derrière la barrière. Passons vite par-dessus. Attends, je vais t'aider...
Les voilà près de l'étang.
- Plus loin, après ce monticule, on trouvera d'autres fraises. On va se régaler.
- Attention! s'écrie soudain Micka, c'est tout mouillé, par ici!
- Rien de grave! rétorque l'aîné en choisissant, pour s'y asseoir, une belle motte d'herbe sèche.
- Qu'est-ce que tu fais? demande le petit.
- Enlevons nos chaussures. On les remettra de l'autre côté.
Le marais n'est pas profond. Ils peuvent le traverser sans difficulté. Ils courent à grandes enjambées, ravis de tout éclabousser au passage!
- A présent, ça monte en peu, mais de l'autre côté de la colline, la forêt nous réserve sûrement un bon dessert!
- Tiens! un sentier dans l'herbe.
- Suivons-le. On verra bien où il nous conduit...
Il longe la forêt, puis soudain s'y enfonce. Ravis de partir à la découverte, les deux frères font encore une centaine de mètre.
Tout à coup, Adja s'arrête net, et retient Micka par l'épaule.
- J'ai entendu... oui, là-bas quelqu'un parle. Ecoutons!
- Tout était vide et sombre. Il n'y avait que de l'eau, partout de l'eau. Mais au-dessus des eaux se mouvait quelque chose: l'Esprit fort, tout-puissant...
Intrigués mais prudents, à pas de loup les deux frères avancent vers cette étrange voix.
- Regarde! une clairière. Je voix celui qui parle...
-Tu le connais?
- Non, je ne l'ai jamais vu.
- Il est tout seul?
- Attends... Non... devant lui...des enfants sont assis encercle.
En prenant soin de ne pas se faire remarquer, Adja et Micka s'approchent encore un peu.
Ils ignorent que ce jeune homme grand et fort s'appelle Varfalomeï, qu'il passe ici des vacances, venu de la ville de Saint-Pétersbourg.
Mais ils ouvrent toutes grandes leurs oreilles...
- L'Esprit tout-puissant avait le pouvoir de commander, dit encore le jeune homme. Tout lui obéissait. Il pouvait tout créer. Cet Esprit, c'était Dieu. Il a dit: "Que la lumière soit", et il a fait jour. Puis: "Que la terre se sépare d'avec les eaux", et la terre et les eaux se sont séparées. Il a aussi dit que l'herbe et les arbres devaient pousser. Cela s'est fait, et puis, comme vous le voyez, cela continue de se faire. Puis il a commandé aux étoile de briller, et au soleil d'éclairer. C'est arrivé, comme il l'avait ordonné. Alors... poursuit le jeune homme en regardant sa montre, nous nous arrêtons là aujourd'hui, mais demain, ici, à la même heure, il y aura la suite de cette belle histoire vraie. Venez! Vous êtes tous invités!
A demain!
Tous les enfants se lèvent pour rentrer chez eux. Adja et Micka en font autant.
Le long du sentier, Micka cherche encore quelques fraises. Mais Adja est pensif, émerveillé par ce qu'il vient d'entendre. C'est cela qu'il voulait tant savoir. C'est cela que son père n'a pas su lui dire.
- Comment papa peut-il ignorer ces choses? se demande-t-il, perplexe.
A la sortie de la forêt, soudain Adja s'arrête, prend Micka par les épaules, le regarde bien en face, et lui demande très sérieusement:
- Est-ce que tu sais garder un secret et tenir ta parole?
Micka ne comprend pas. Mais, ouvrant tout grands ses beaux yeux bleus, il répond:
- Oui, oui...je sais.
-Alors tu dois me promettre de ne dire à personne que nous sommes venus ici.
- D'accord!
- Mais... ni à maman, ni à Papa, ni à notre gouvernante Fidossia.
- Promis, promis, promis!
- Si tu parles, plus jamais je ne te prendrai avec moi en promenade, tu entends?
- Promis, promis, promis!
- Bon ! Alors moi aussi je vais te promettre quelque chose : demain, ensemble, nous reviendrons ici!
Texte: Samuel Grandjean