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Dieu - Illusion ou réalité ?

par Francis Schaeffer

TITRE III - Christianisme historique et théologie nouvelle

CHAPITRE 2 - Faits vérifiables et connaissance

Pour le christianisme historique, un Dieu personnel a créé l'homme à son image. Aussi n'est-il pas absurde de penser que ce Dieu communique avec lui sous forme verbale. Pourquoi n'en serait-il pas ainsi puisqu'il a fait de l'homme un être qui utilise des mots pour formuler sa pensée et pour communiquer avec ses semblables? Et pourquoi, l'ayant créé à son image, ne communiquerait-il pas avec lui de cette manière?
Il y aurait alors communication dans trois directions: de Dieu vers l'homme et vice versa, de l'homme vers l'homme, et de l'homme avec lui-même. On peut, certes, se demander s'il en est bien ainsi; mais l'admettre n'est ni incohérent, ni absurde. En revanche, tout cela le serait si l'on adopte comme a priori le principe de causalité dans un système clos. Si cette présupposition est la vôtre, vous devez vous demander si une telle façon de voir s'accorde avec tout ce que nous savons.

Pourquoi Dieu ne communiquerait-il pas en propositions verbales avec les hommes, ces êtres qui parlent et qui ont été créés de façon à pouvoir parler entre eux? Selon la Bible, il y a des faits vérifiables: un Dieu personnel a communiqué au moyen de mots et de propositions, non seulement dans le domaine de ce que l'on appelle, aujourd'hui, des "vérités religieuses", mais aussi dans les domaines de l'histoire et de la science.

Dieu a inséré la révélation biblique dans l'histoire; il ne l'a pas délivrée – comme il aurait pu le faire – sous forme de traité de théologie. Pourquoi Dieu, après avoir agi de la sorte, nous aurait-il donné une révélation dans laquelle l'histoire serait fausse? Dieu a également placé l'homme dans l'univers, qui, selon les Ecritures elles-mêmes, nous parle de ce Dieu. Pourquoi Dieu aurait-il placé sa révélation dans un livre qui se tromperait au sujet de l'univers? A ces deux questions, il faut répondre: "Cela n'aurait absolument aucun sens!"

Il est donc évident que, selon les Ecritures elles-mêmes, l'ensemble du champ de la connaissance est unifié. Dieu s'est exprimé dans un langage propositionnel et il a dit la vérité sur lui-même, sur l'homme, sur l'histoire et sur l'univers.

C'est là une base suffisante pour fonder l'unité de la connaissance. Cette unité couvre à la fois le plan supérieur et le plan inférieur. C'est la réponse au débat nature-grâce, et à la question de l'homme moderne relative à la connaissance au-dessus et au-dessous de la ligne d'anthropologie. Il y a unité parce que Dieu a dit la vérité dans tous les domaines de notre savoir.

Pourtant, il faut éviter de commettre l'erreur d'affirmer que puisque Dieu s'est exprimé avec vérité sur la science, toute étude scientifique est vaine. Rien n'est plus faux. Dire que Dieu communique avec vérité ne signifie pas qu'il le fait de façon exhaustive. Dans nos relations humaines elles-mêmes, nous n'exprimons jamais complètement notre pensée même si ce que nous disons est vrai. A propos de notre position dans l'univers, affirmer que le Dieu infini a dit des choses vraies au sujet de toute son oeuvre n'implique pas que notre connaissance ne doive pas s'accroître. Créés à l'image de Dieu, nous sommes des êtres rationnels et logiques et, à ce titre, nous pouvons et nous devons chercher et découvrir davantage de vérité sur la création.

Dieu dit, en effet, "apprenez la vérité que j'ai mise dans le monde extérieur". L'homme "fini" placé au sein de l'univers, lui-même "fini", est sans point de référence suffisant s'il se limite à lui-même, être autonome; il a donc besoin d'un savoir sur Dieu comme nous le donne l'écriture. Sachant cela, le savant peut comprendre, dans leurs relations ultimes, les vérités qu'il observe. La recherche scientifique en elle-même peut glorifier Dieu, car l'homme en s'y livrant se comporte comme il convient dans l'univers où Dieu l'a placé. Le savant expose à ses contemporains ce qu'il découvre et il enrichit ainsi leur connaissance. Il peut servir Dieu par son travail scientifique.

La théologie nouvelle ne peut pas proposer de méthode pour l'étude des faits et le développement de la connaissance, car elle repousse toute possibilité de communication sur les deux seuls points susceptibles d'être discutés et soumis à vérification: l'histoire et l'univers. Or, il est impossible de discuter des vérités religieuses si on les sépare des vérités concernant l'histoire et l'univers. Bezzant, dans le livre Objections to Christian Belief, souligne le caractère crucial de la question de la vérité. Il a très bien compris ce point, bien qu'il appartienne à la vieille école libérale et que son livre soit, à plusieurs égards, une oeuvre de démolition. Après s'être attaqué aux thèses du christianisme historique, il change brusquement de sujet et pointe toute son artillerie contre la néo-orthodoxie... "Quand on me dit que c'est précisément l'absence de preuves qui protège le message chrétien de l'accusation d'être mythologique, je réponds que c'est là une absurdité qu'il convient d'appeler par son nom, car une absence de preuve ne peut servir à prouver quoi que ce soit." Cette déclaration est extraordinaire. Elle montre que Bezzant a bien compris la faille mortelle de la théologie moderne. Celle-ci peut se présenter sous plusieurs visages, elle n'en reste pas moins irrationnelle et ses thèses ne se prêtent jamais vraiment à la discussion, puisqu'elles sont foncièrement invérifiables.

Je me rappelle avoir entendu, en Angleterre, un conférencier dire: "Bultmann est infaillible pendant vingt minutes tous les dimanches". Autrement dit, la théologie nouvelle prêche et demande aux gens de croire ou de ne pas croire, sans faire intervenir leur raison. L'homme est ainsi rabaissé à un niveau inférieur à celui de l'homme déchu du christianisme biblique.

En ce qui concerne les faits vérifiables et le savoir, le christianisme historique repose sur la nature et l'existence de Dieu. Selon l'Ecriture, le vrai Dieu est un Dieu personnel et infini. Aucun autre dieu ne lui ressemble. Aussi est-il ridicule de soutenir que toutes les religions ont le même enseignement, alors qu'elles sont en désaccord sur un point fondamental, celui de savoir comment se représenter Dieu. Les dieux de l'Orient sont infinis par définition: "dieu est tout ce qui existe", c'est le dieu du "pan-toutisme". Les dieux de l'Occident – ceux des grecs, des romains et des germains – étaient plutôt des êtres personnels mais limités. Le Dieu de la Bible, lui, celui de l'Ancien comme du Nouveau Testament, est le Dieu infini et personnel.

C'est ce Dieu-là qui a créé les divers éléments de la création

Quelles relations existe-t-il entre la création et Dieu, et qu'y a-t-il à l'intérieur même de la création? Si l'on envisage le caractère infini de Dieu, il y a rupture entre lui et l'ensemble de sa création. En tant que créature finie, je suis aussi séparé du Dieu Créateur et infini que l'atome ou qu'une particule d'énergie. A cet égard, je ne suis pas plus proche de lui qu'une machine.

Mais au regard de la personnalité de Dieu, la séparation se situe entre l'homme et le reste de la création. Autrement dit, en utilisant le vocabulaire en vogue, il y a là une conception dynamique que l'homme et la théologie modernes ignorent. C'est ainsi que Schweitzer s'identifiait à l'hippopotame, car il ne comprenait pas que l'homme se définit par rapport à ce qui est plus haut que lui; aussi portait-il ses regards en bas vers une créature dont le comportement ressemble souvent au sien. Alors que pour ce qui concerne notre personnalité, le fait de se référer à ce qui est plus haut que nous met en évidence ce qui est spécifique à notre nature humaine.

Le chrétien biblique peut affirmer que, sous l'angle de la personnalité, l'homme peut avoir une connaissance réelle de Dieu sans qu'elle soit exhaustive. Contrairement à ce que pense la théologie nouvelle, il n'est pas pris au piège de l'alternative: connaître Dieu complètement ou pas du tout. Nous ne sommes pas condamnés à une compréhension totale de l'infini.

Pour la théologie nouvelle, voici quelle est la situation de l'homme moderne:

Cet homme a établi une barrière entre ce qui est personnel et ce qui est infini, et il admet l'égalité: personnalité = finitude, confondant celle-ci avec limitation. Or, pour le chrétien, la personnalité est incompatible avec l'impersonnalité. Tout autre limitation relève de l'impossible. Certes, les personnalités humaines sont limitées; cela vient de ce qu'elles ont été créées et de ce qu'elles appartiennent aux réalités finies, et non de ce qu'elles sont personnelles.

La personnalité en tant que telle n'implique pas nécessairement la notion de limitation

Un israélien athée m'a écrit pour me demander: "Quel sens cela a-t-il pour un homme de donner son fils aux fourmis qui le tueront, et ceci afin de les sauver?" Je lui ai répondu qu'une telle action n'avait aucun sens parce que l'homme, en tant qu'il a une personnalité, n'a rien à voir avec les fourmis. Les seuls points communs entre l'homme et la fourmi consistent en ce que l'un et l'autre sont des êtres créés. Mais, à cause de sa personnalité, l'homme est tourné vers Dieu, dans une relation verticale; c'est pourquoi l'incarnation et la mort du Fils de Dieu pour le sauver sont pleines de sens.

L'incarnation et la communication entre Dieu et l'homme sont tout à fait raisonnables puisque l'homme, en tant que tel, a été créé à l'image de Dieu.

Communication divine et humaine

Dieu a véritablement communiqué avec l'homme, mais cela ne signifie pas que cette communication soit exhaustive: il y a là une distinction importante à ne jamais perdre de vue. Pour connaître de façon exhaustive, il faudrait être infini comme Dieu; or, même au ciel, nous ne le serons pas.

Dieu a parlé avec l'homme, non seulement du cosmos et de l'histoire, mais aussi de lui-même. Ses attributs que Dieu a ainsi fait connaître sont aussi pleins de sens pour lui, l'auteur de la communication, que pour l'homme qui en est le destinataire. La révélation de Dieu à ce sujet n'a pas de signification uniquement au-dessous de la ligne anthropologique. Cette ligne n'est pas comme un ciel d'airain, impénétrable, au-dessus de nos têtes. Le Dieu qui a parlé n'est pas inconnaissable, infini, situé au-dessus de cette ligne. Le Dieu qui a créé l'homme à son image communique à celui-ci une vérité vraie sur lui-même, qu'il ne faut donc pas considérer seulement comme une expérience existentielle ou comme des "idées religieuses" sans aucun contenu. Nous avons une connaissance véritable; car, comme l'Ecriture le dit, de façon simple et avec autorité, lorsque Dieu écrivit les Dix commandements sur la pierre, (Exode 24:12) lorsque Jésus parla en hébreu à Paul sur le chemin de Damas (Actes 26:14), le langage employé était celui qui relève de la grammaire et du dictionnaire; c'était un langage compréhensible.

Quand nous conversons avec quelqu'un, notre échange de mots peut, théoriquement, aboutir à deux résultats. Le premier est que nous n'arrivions pas du tout à communiquer en raison de l'écart trop grand qui existe entre notre culture et celle de notre interlocuteur. Le second à l'opposé correspond à une compréhension parfaite due à l'usage de termes auxquels le même sens est donné. L'un et l'autre de ces résultats ne résistent pas à un examen sérieux.

En effet, on peut difficilement soutenir que toute communication est impossible, comme le montre la conversation que j'ai eue, un jour, avec un étudiant de l'Université de St Andrew. On m'avait averti qu'il était malaisé de lui parler, que ses propos paraissaient dénués de sens, qu'on ne savait pas comment s'y prendre avec lui. Je disposais d'une demi-heure. Après seulement deux minutes d'entretien dans sa chambre, il me dit: "Monsieur, je ne crois pas que nous communiquions". Je recommençai à parler et, au bout de deux minutes, il répéta, "Monsieur je ne crois pas que nous communiquions". Je commençai à penser que la demi-heure allait s'écouler de façon absurde, lorsque baissant les yeux, je remarquai que, plein de prévenance, il avait préparé le thé; tout y était: la théière, les tasses et le reste. Aussi, d'une manière un peu bourrue, lui dis-je: "Donnez-moi du thé!" Il fut abasourdi, mais il me tendit une tasse pleine de thé et je lui dis: "Monsieur, je crois que nous communiquons". Et une conversation des plus profitable commença entre nous.

Pour celui qui a étudié la linguistique, il est clair que l'influence de notre culture sur la manière dont nous usons des expressions, des phrases, ne constitue pas un obstacle à la communication. Toutefois, nous devons prendre garde au fait que si, nous, nous savons bien ce que nous voulons dire, il n'est pas obligatoire que notre interlocuteur, lui, comprenne exactement la même chose. Cela serait faire preuve de naïveté. En parlant avec d'autres personnes, nous communiquons véritablement avec elles, mais de manière non-exhaustive : tel est le troisième résultat possible, annoncé plus haut; c'est le seul qui soit réaliste.

Si, de la communication entre les hommes, nous passons à celle qui existe entre Dieu et l'homme, il en va de même. La Bible dit que, l'homme étant fait à l'image de Dieu, la communication de Dieu avec lui n'est pas fondamentalement différente de celle qui le relie aux autres hommes. Nous sommes des êtres finis; Dieu est infini; nous pouvons cependant le comprendre réellement.

L'amour est plus qu'un mot

Comprendre comment Dieu communique conduit à une vision du monde bien différente de celle avec laquelle l'homme moderne se débat. L'homme, en effet, n'a plus besoin de détruire; il a une raison de vivre, de construire et d'aimer. Il n'est plus à la dérive. En examinant la notion de l'amour, il est aisé de montrer combien ces deux mondes diffèrent l'un de l'autre. L'homme moderne pense, à juste titre, que l'amour est d'une importance première au regard de la personnalité; pourtant la nature de l'amour lui pose un réel problème. Il essaie de tout rattacher au mot "amour", et cependant, celui-ci peut dégénérer et devenir quelque chose de très inférieur. L'homme moderne ne comprend pas en quoi consiste réellement l'amour. Il n'a pas d'"universel" adéquat pour l'amour.

Le chrétien, au contraire, dispose de cet universel qui lui permet de débattre sur la signification de l'amour. Au sujet de la Trinité, nous savons, en particulier, qu'elle existait dès avant la création et que l'amour régnait entre les personnes de la Trinité avant la fondation du monde. (Jean 17:24) Ainsi, l'amour, tel que nous le connaissons dans notre nature, ne doit rien au hasard, mais procède de ce qui a toujours existé.

Au- dessus de la ligne d'anthropologie, horizontalement, Dieu le Père a aimé Dieu le Fils avant la création du monde. Verticalement, Dieu m'aime, également, moi qui suis sous cette ligne. Le mot "amour" et l'acte d'aimer sont passés sous la ligne d'anthropologie. Verticalement, je dois aussi aimer Dieu, et le mot "amour" et l'acte d'aimer sont passés au-dessus de la ligne d'anthropologie. Enfin, Dieu m'ordonne d'aimer ma femme, mes enfants, mes proches et le mot "amour" et l'acte d'aimer sont, horizontalement, sous cette ligne.

Les différentes expressions de l'amour peuvent être représentées de la façon suivante:

Deux conséquences en découlent:

Tout d'abord, je peux vraiment comprendre une partie de ce que signifie l'affirmation que Dieu le Père aime le Fils. Lorsque je vois un jeune homme et une jeune fille marcher bras dessus bras dessous, visiblement amoureux l'un de l'autre, je ne sais pas tout de leurs sentiments réciproques, mais comme, moi aussi, j'aime ma femme, mon regard sur eux est autre que ne serait celui d'un chien. Ma compréhension est véritable, sinon totale; elle est très proche. Lorsque je parle de l'amour qui existait au sein de la Trinité avant la création, je ne divague pas. Bien que je sois, assurément, très loin de sonder toutes les profondeurs de Dieu, le mot "amour" et celui dont le Christ a parlé quand il a dit que le Père l'aimait dès avant la fondation du monde ont une véritable signification pour moi.

Seconde conséquence: la richesse de sens de l'amour n'est épuisée ni par celui que j'éprouve pour ma femme, ni même par celui de tous les hommes pour leurs femmes, ni par toute autre espèce d'amour humain. La validité et la signification de l'amour ont pour fondement la réalité de l'amour qui existe entre le Père et le Fils au sein de la Trinité. L'affirmation "J'aime" n'est pas vide de sens; elle est enracinée dans la relation personnelle qui a toujours existé, dans la Trinité, avant que l'univers ait été créé. L'amour humain n'est pas un fruit du hasard, dont la plénitude ne devrait rien à ce qui a toujours existé. Tout au contraire, l'amour est une réalité pleine de sens, mais aussi de beauté et de merveilleux qu'il faut entretenir dans la joie.

Telle est la seconde grande différence entre le christianisme et la théologie nouvelle. Cette dernière ne propose aucune assise aux faits véritables et au savoir, pas même au contenu des mots utilisés pour désigner Dieu au-dessus de la ligne d'anthropologie. Ainsi un mot comme le mot "amour" est dépourvu de sens ou de valeur hors du domaine limité de l'homme. Dès lors, il est évident que le christianisme et la théologie nouvelle n'ont rien de commun si ce n'est l'utilisation de la même terminologie dans des sens différents.

 


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