livres retranscrits ligne w

 

Marie - Servante du Seigneur

par Henri Gras

Partie I. Les données bibliques

Chapitre 4. Pendant le ministère de Jésus

Marie intervient, de loin en loin, de façon brève et très accessoire, au cours du ministère de Jésus. Toutefois, le peu qu'en disent les évangélistes éclaire très nettement sa façon de percevoir et de vivre cette période importante entre toutes. La position de la mère par rapport au fils s'en dégage à l'évidence. Examinons donc, en les ordonnant chronologiquement, les textes en question. On en trouve dans les quatre Evangiles.

1. Le miracle des noces de Cana:

«II y eut des noces à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là, et Jésus fut aussi invité aux noces avec ses disciples. Le vin ayant manqué, la mère de Jésus lui dit: Ils n'ont plus de vin. Jésus lui répondit: Femme, qu'y a-t-il entre moi et toi? Mon heure n'est pas encore venue. Sa mère dit aux serviteurs: Faites ce qu'il vous dira. Or, il y avait là six vases de pierre, destinés aux purifications des Juifs, et contenant chacun deux ou trois mesures. Jésus leur dit: Remplissez d'eau ces vases. Et ils les remplirent jusqu'au bord. Puisez maintenant, leur dit-il, et apportez-en à l'ordonnateur du repas. Et ils lui en apportèrent. Quand l'ordonnateur du repas eut goûté l'eau changée en vin, – ne sachant d'où venait ce vin, tandis que les serviteurs, qui avaient puisé l'eau, le savaient bien, – il appela l'époux, et lui dit: Tout homme sert d'abord le bon vin, puis le moins bon après qu'on s'est enivré; toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à présent.
Tel fut, à Cana en Galilée, le premier des miracles que fit Jésus. Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui.
Après cela, il descendit à Capernaüm, avec sa mère, ses frères et ses disciples, et ils n'y demeurèrent que peu de jours.»
Jean 2:1 – 12

Marie a donc été l'élément déclencheur du premier miracle de Jésus. Cet épisode marque le début de son ministère public.

Le repas de noces, auquel Joseph, peut-être retenu par ses obligations professionnelles, n'était pas présent, bat son plein. A-t-on bu plus que de coutume? Un contretemps se produit: le vin manque. C'est Marie, en observatrice des choses domestiques, qui le remarque d'abord. Et, discrètement, elle en fait part à son fils. Mais elle le dérange. Jésus pense, très certainement, à tout autre chose qu'à l'intendance. Ses disciples l'accompagnent. Il doit les entretenir du royaume de Dieu. Les quelques mots de Marie: «Ils n'ont plus de vin» sont-ils une simple constatation? Sûrement pas. Marie demande à son fils de faire quelque chose. A-t-il déjà opéré des miracles ménagers en famille? Apparemment pas, puisque celui de Cana est signalé par Jean comme le premier. Les parents de Jésus étaient-ils informés par sa bouche du pouvoir universel qui était en lui? L'avaient-ils expérimenté en d'autres domaines? L'Evangile ne le dit pas...

La réponse de Jésus surprend par le reproche à peine voilé qu'elle exprime: «Femme, qu'y a-t-il entre moi et toi? Mon heure n'est pas encore venue.» En clair: tes préoccupations, tes pensées, n'ont rien de commun avec ma mission. Jésus, notons-le, ne dit pas «mère», mais «femme», ce qui situe Marie dans sa condition humaine, sans relation privilégiée reconnue par son fils. En fait, Jésus n'a d'instruction à recevoir que de Dieu, son Père. Le signal ne lui a pas encore été donné d'En-haut de se manifester publiquement.

Alors, Marie, suivant sa pensée, mais se mettant en retrait par rapport à son fils, s'adresse aux serviteurs: «Faites ce qu'il vous dira», dit-elle. Phrase à retenir pour nous-même et à mettre en pratique. Elle implique de l'écouter, lui Jésus, et de faire passer ce qu'il dit dans nos actes.

Jésus va-t-il céder à la sollicitation de sa mère? Apparemment oui... mais ce n'est qu'apparence. Qui douterait qu'il a aussitôt prié son Père et reçu de lui instruction avant d'agir? Il a déclaré, en effet: «Le Fils ne peut rien faire de lui-même, il ne fait que ce qu'il voit faire au Père» (Jean 5:19) et: «Je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé» (Jean 6:38). Alors, sur l'ordre de Jésus, les vases sont remplis d'eau qu'il change en vin excellent. L'ordonnateur du repas s'étonne que l'on ait gardé un tel cru jusque-là... Seuls, les serviteurs en connaissent l'origine. L'imprévoyance de l'hôte est réparée. On le louera.

Le but spirituel du miracle de l'eau changée en vin est précisé par l'évangéliste: «Jésus manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui». Une démonstration de la puissance surnaturelle, parce que divine, du Maître vient d'être faite. Elle suscite la foi des disciples. Tel est l'objectif. Certes, le voeu de Marie se trouve exaucé. Ce n'est pourtant pas pour elle que le miracle a été effectué. Jésus n'a pas dit: «Je ferai tout ce que ma mère me demandera.» Il l'a reprise. C'est elle, au contraire, qui a dit de faire tout ce qu'il demande. Puis elle s'efface.

L'épisode de Cana se termine par une première allusion aux frères de Jésus. Ce sujet sera repris et développé ultérieurement.

En définitive, le miracle de l'eau changée en vin se situe à la période charnière où le Fils de l'homme se dégage entièrement du milieu familial pour commencer son ministère de Fils de Dieu. La mission confiée par son Père céleste l'absorbe désormais totalement. Marie et Joseph, quant à eux, on le verra, comprennent de moins en moins le cheminement de leur fils: le Messie.

Enfin, le changement de l'eau en vin possède une signification prophétique. L'eau symbolise le baptême de repentance pratiqué par Jean-Baptiste; le vin symbolise le sang purificateur qui sera répandu à la croix, scellant l'alliance de grâce. Par le signe de Cana, Jésus l'annonce. Qui, alors, le comprend

2. Incompréhension des parents de Jésus:

«Les parents de Jésus, ayant appris ce qui se passait, vinrent pour se saisir de lui; car ils disaient: II est hors de sens.» Marc 3:21

Pour replacer ce verset inattendu dans son contexte, il convient de rappeler que Jésus, dès le début de son ministère, a opéré de nombreux miracles en Galilée, notamment plusieurs guérisons qui ont suscité l'empressement des foules à le suivre. La résurrection du fils de la veuve de Naïn a rempli les témoins de crainte. Ceux-ci, glorifiant le Seigneur, ont reconnu: «Un grand prophète a paru parmi nous, et Dieu a visité son peuple» (Luc 7:16). Ce propos se répand jusqu'en Judée comme une traînée de poudre. Tout cela provoque l'hostilité farouche des pharisiens et des sadducéens... Le sermon sur la montagne a bousculé en profondeur la tradition légaliste juive. Les autorités religieuses s'en émeuvent vivement, d'autant que tous ces événements conjugués commencent à avoir un sérieux impact sur le peuple.

Alors, les principaux sacrificateurs et les scribes, usant de leur influence, inventent les pires accusations pour condamner et éliminer le gêneur qui vient, en outre, de s'entourer de disciples.

Joseph et Marie, ayant écho de la rumeur publique, s'émeuvent à leur tour. Ils craignent pour la vie de Jésus, leur fils. Devant le péril, ils se résolvent à aller le chercher, prêts à lui faire violence pour le ramener à Nazareth, puis à le raisonner afin qu'il mette un terme à ses agissements, perçus par eux comme irresponsables. N'a-t-il pas même perdu la raison, se disent-ils. Il faut à tout prix le soustraire à la vindicte des sphères dirigeantes...

L'incompréhension des parents de Jésus est si grande, qu'ils le prennent pour fou, ou feignent de le croire! Ainsi, ce court passage de l'Evangile de Marc éclaire sans équivoque un état de fait sans nuance: Joseph et Marie, malgré les révélations qu'ils ont reçues voilà trente ans, sont totalement étrangers au sens du ministère d'origine divine qui se développe sous leurs yeux. Leur perception spirituelle apparaît nulle en ce domaine. Ils réagissent charnellement, à la façon de parents quelconques. D'autres passages vont le confirmer.

Certains ont cru pouvoir écarter ce fait, gênant à leur point de vue, en avançant la thèse que les «parents» évoqués dans le texte n'étaient que des cousins. Pourquoi compliquer ainsi les choses? Des cousins prendraient-ils un tel intérêt à Jésus? Jusqu'à fendre la foule et projeter de se saisir de celui qui soulève son enthousiasme? Le texte qui va suivre relate une autre intervention des siens, cherchant de nouveau à l'atteindre, au sein de la foule qui l'entoure. Cette fois, c'est clair: il s'agit précisément de «sa mère et de ses frères».

3. Intervention de la mère et des frères de Jésus:

Trois évangélistes rapportent ce bref épisode, fort révélateur: ce sont Matthieu, Marc et Luc. Relevons le texte du second, puisque les précédents passages de référence proviennent essentiellement du premier et du troisième.

«Survinrent sa mère et ses frères, qui, se tenant dehors, l'envoyèrent appeler. La foule était assise autour de lui, et on lui dit: Voici, ta mère et tes frères sont dehors et te demandent. Et il répondit: Qui est ma mère, et qui sont mes frères? Puis, jetant les regards sur ceux qui étaient assis tout autour de lui: Voici, dit-il, ma mère et mes frères. Car, quiconque fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, et ma mère.» Marc 3:31–35

On trouve la relation du même épisode en Matthieu 12:46–50 et Luc 8:19–21.

Jésus apporte à la foule assise autour de lui, donc attentive, un enseignement capital. Les scribes, savants et influents, viennent de dénoncer le Sauveur comme possédé par Béelzébul: «C'est par le prince des démons qu'il chasse les démons» affirment-ils. Alors, Jésus démontre l'ineptie de ces propos, car Satan divisé contre lui-même ne saurait subsister. Si tous les péchés peuvent être pardonnés par Dieu aux hommes, il en est un qui ne le sera jamais: le blasphème contre le Saint-Esprit. Dire que Jésus est possédé d'un esprit impur constitue justement ce péché irrémissible (Marc 3:22–30). Tel est le contexte.

C'est à ce moment que surviennent la mère et les frères de Jésus (car Jésus avait des frères et des sœurs plus jeunes que lui, comme on le verra par la suite). Le terme «survenir» traduit à la fois la soudaineté et la résolution de leur démarche. Elle est vraisemblablement dans le droit fil de la précédente intervention des parents de Jésus: le raisonner, le soustraire à la foule, le ramener à la maison, mettre fin à ses agissements publics jugés dangereux pour lui et préjudiciables à leur bonne réputation de Juifs pieux.

Mais la densité des auditeurs empêche les siens de parvenir jusqu'à lui. Alors, ils le font avertir de proche en proche, par personnes interposées. L'appel lui parvient enfin: «Ta mère et tes frères sont dehors et te demandent». Jésus va-t-il interrompre son discours, écarter la foule et aller vers les siens? Non, il reste sur place. Il répond tout haut, afin que tous entendent et que ses paroles servent d'enseignement. Or, ce qu'il dit ne laisse pas de surprendre. Il répond par une question choquante: «Qui est ma mère et qui sont mes frères?» Dans son omniscience divine, il connaît les pensées profondes et les mobiles de ses proches. Ils vont à l'encontre de sa mission terrestre, reçue d'En-haut. Il oppose donc à leur appel une fin de non-recevoir. Et il l'explicite: son frère, sa sœur, sa mère, c'est tout homme, toute femme qui fait, comme lui, la volonté de Dieu. Luc précise: «ceux qui écoutent la Parole de Dieu, et qui la mettent en pratique» (Luc 8:21). Jésus, dans cette affirmation, révèle plusieurs choses importantes:

  • Joseph n'est certes pas parmi ceux qui le demandent, mais Jésus ne cite pas son père, parce qu'il n'a qu'un Père céleste: Dieu.
  • Il nomme sa mère après ses frères et ses sœurs, bien que ce soit elle qui conduise la délégation familiale. Il montre par là qu'elle est de la même nature humaine qu'eux et n'occupe pas, pour lui, de place prééminente.
  • Il précise que le seul lien qui rattache à lui n'est pas charnel, mais spirituel. C'est par l'obéissance à la volonté de son Père, à sa Parole, que l'on entre dans la famille de Dieu.
  • Il sous-entend que ses proches parents n'ont pas avec lui, Parole faite chair, cette relation vitale. Cette carence explique, d'ailleurs, leur incompréhension à son égard.
  • Il proclame l'universalité de l'alliance de grâce qu'il apporte lui-même, puisque le «quiconque» employé dans son affirmation n'exclut personne ici-bas. Il se doit donc à ceux qui sont là et qui l'écoutent, décidés à conformer leur vie à son enseignement.

Comme cette brève réponse de Jésus, à elle seule, s'avère chargée de sens!

4. La famille humaine de Jésus:

«Lorsque Jésus eut achevé ces paraboles, il partit de là. S'étant rendu dans sa patrie, il enseignait dans la synagogue, de sorte que ceux qui l'entendirent étaient étonnés et disaient: D'où lui viennent cette sagesse et ces miracles? N'est-ce pas le fils du charpentier? n'est-ce pas Marie qui est sa mère? Jacques, Joseph, Simon et Jude, ne sont-ils pas ses frères? et ses sœurs ne sont-elles pas toutes parmi nous? D'où lui viennent donc toutes ces choses? Et il était pour eux une occasion de chute. Mais Jésus leur dit: Un prophète n'est méprisé que dans sa patrie et dans sa maison. Et il ne fit pas beaucoup de miracles dans ce lieu, à cause de leur incrédulité.» Matthieu 13:53–58 Le même épisode est relaté en Marc 6:1–6.

Après avoir annoncé aux foules le Royaume de Dieu et opéré de nombreux miracles sur les rives du lac de Galilée, Jésus vient à Nazareth, sa ville. Là, dans la synagogue, lieu privilégié d'écoute et de partage des Juifs, il enseigne ses compatriotes. Il le fait avec les mots que son Père céleste lui donne par l'Esprit saint. Quelle sagesse dans ses propos! Quelle puissance miraculeuse mise en oeuvre! Les docteurs de la loi et les scribes les plus éloquents sont très, très loin de posséder un tel impact. Jamais homme n'a parlé comme cet homme! Pourtant, Jésus, le Nazaréen, n'a pas étudié, du moins de la façon dont l'entendent les intellectuels de l'époque. Il est issu d'une modeste famille de la cité, connue de tous. Chacun, à Nazareth, peut en désigner les membres, tant ils sont populaires: le père, c'est Joseph le charpentier; la mère, c'est Marie; les frères sont Jacques, Joseph, Simon et Jude; les sœurs (au moins deux) sont toutes restées dans la ville (donc non mariées à l'extérieur)... Comment expliquer qu'un homme d'origine si ordinaire tienne pareil discours et fasse preuve d'une telle autorité?

L'énumération faite par ces auditeurs étonnés fournit la composition de la famille humaine de Jésus. Celui-ci a donc une mère, un père adoptif, quatre demi-frères dont les noms sont cités (Jacques et Jude sont les auteurs des courtes épîtres qui précèdent l'Apocalypse), enfin des demi-sœurs, dont le nombre et les noms ne sont pas précisés, conformément aux habitudes juives qui accordent la prééminence aux hommes, comme en témoignent les généalogies bibliques dans lesquelles les femmes ne sont qu'exceptionnellement citées. Il s'agit donc d'une famille nombreuse. David l'avait prophétisé depuis plus de mille ans (Psaume 69:9).

On ne peut émettre aucun doute sur les termes «frères et sœurs» employés dans le texte évangélique, comme certains ont cru pouvoir le faire. En effet, le mot grec correspondant, utilisé dans les manuscrits originaux, est «adelphos» qui traduit une parenté humaine au sens strict. Si les personnes en question n'avaient été que des cousins, on trouverait, pour les désigner, le mot grec «anepsios». Aucune confusion n'est possible.

A la fin du passage examiné, Jésus constate que le prophète (il est lui-même le plus grand) «n'est méprisé que dans sa patrie et dans sa maison», c'est-à-dire par ses plus proches, y compris ceux de sa propre famille. S'il l'affirme si nettement, c'est qu'il en fait personnellement l'expérience. Voilà, dans sa bouche même, l'aveu de l'incompréhension et de l'indifférence des siens... L'incrédulité, propre au cœur naturel de l'homme, est la cause de son aveuglement. Elle empêche l'accomplissement des miracles et fait de Jésus, pourtant porteur du message divin du salut, une occasion de chute pour tous ceux qui l'entendent sans le comprendre et le voient sans reconnaître en lui le Fils de Dieu.

Pour en revenir à la famille humaine du Sauveur, notons qu'il ne sera plus, désormais, question de Joseph dans la suite du Nouveau Testament. On peut logiquement penser qu'il est mort pendant le ministère terrestre de Jésus.

5. Attitude des frères de Jésus:

«Après cela, Jésus parcourait la Galilée, car il ne voulait pas séjourner en Judée, parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir.
Or, la fête des Juifs, la fête des Tabernacles, était proche. Et ses frères lui dirent: Pars d'ici, et va en Judée, afin que tes disciples voient aussi les oeuvres que tu fais. Personne n'agit en secret, lorsqu'il désire paraître: si tu fais ces choses, montre-toi toi-même au monde. Car ses frères non plus ne croyaient pas en lui. Jésus leur dit: Mon temps n'est pas encore venu, mais votre temps est toujours prêt. Le monde ne peut vous haïr; moi, il me hait, parce que je rends de lui le témoignage que ses oeuvres sont mauvaises. Montez, vous, à cette fête; pour moi, je n'y monte pas encore, parce que mon temps n'est pas encore accompli. Après leur avoir dit cela, il resta en Galilée.»
Jean 7:1–9

Autre épisode significatif que celui-ci. Jésus continue d'exercer son ministère en Galilée, où la foi de la population provinciale lui ouvre une grande audience et permet l'accomplissement de nombreux miracles. Il évite Jérusalem, la capitale, et ses environs, car c'est là que réside l'élite religieuse et politique; jalouse de son influence, elle refuse son message et cherche à l'éliminer physiquement. A l'approche de la fête des Tabernacles, les frères de Jésus l'interpellent, et le poussent à se rendre en Judée. A l'occasion de la fête, une foule considérable s'y rassemblera. Il y aura beaucoup de malades, d'infirmes, et surtout un grand nombre de témoins... Le lieu idéal pour asseoir sa réputation, accroître son prestige, se manifester de façon éclatante aux yeux des autorités. Bref, recevoir la consécration de la gloire humaine... «si tu fais ces choses, montre-toi toi-même au monde». Ce propos constitue en quelque sorte un défi trahissant le doute: «si tu fais ces choses...» Et la phrase suivante le dit très nettement: «ses frères non plus ne croyaient pas en lui». Une nouvelle confirmation de l'incompréhension et de l'incrédulité familiale (Psaume 69:9).

Mais Jésus n'a qu'une ligne de conduite: celle qui lui a été dictée par son Père céleste. Le signal d'aller à Jérusalem ne saurait donc lui être indiqué que par Dieu. Le Sauveur sait qu'il y mourra, et le moment du sacrifice n'est pas encore venu.

La haine qui se manifeste contre lui provient du fait qu'il dénonce le péché, qu'il agit de la sorte comme révélateur du mal. Cela, les pécheurs impénitents ne peuvent le supporter. Tandis que les frères de Jésus, eux, peuvent aller quand ils le veulent à la fête. On ne les inquiétera pas, car ils sont animés de l'esprit du monde.

6. Heureux le sein qui t'a porté:

«Tandis que Jésus parlait ainsi, une femme, élevant la voix du milieu de la foule, lui dit: Heureux le sein qui t'a porté! heureuses les mamelles qui t'ont allaité! Et il répondit: Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent!» Luc 11:27 – 28

La voix de cette femme anonyme, mue par une émotion admirative, s'élève de la foule pour complimenter Jésus, l'homme au pouvoir guérissant qui fait tant de bien: «Heureux le sein qui t'a porté! heureuses les mamelles qui t'ont allaité!»... Heureuse donc Marie, que cette femme désigne sans la connaître. Quel bonheur et quel honneur pour une mère d'avoir un tel fils! Ces paroles correspondent à l'accomplissement de l'annonce prophétique prononcée par Marie elle-même, lors de sa visite à Elisabeth: «Voici, désormais toutes les générations me diront bienheureuse» (Luc 1:48).

Mais la formulation de la femme anonyme est charnelle, car elle se rapporte seulement à la personne de la mère évoquée, comme si le mérite lui en revenait. Alors que, dans la bouche de Marie, la motivation se révèle spirituelle puisqu'elle aboutit à la glorification de Dieu, dont la puissance souveraine s'est mise en oeuvre: «Parce que le Tout-Puissant a fait pour moi de grandes choses» (Luc 1:49).

En réponse, et sans contredire le propos de la femme, Jésus proclame fortement, pour être entendu de tous: «Heureux plutôt ceux qui écoutent la parole de Dieu, et qui la gardent.»

Il remet ainsi les choses en place, à leur vraie place, selon la hiérarchie de valeurs conforme à la volonté de Dieu. Marie est heureuse d'avoir bénéficié d'une grâce exceptionnelle, mais l'est-elle au moment où ces paroles sont dites? Certainement pas, puisqu'elle ne comprend pas le ministère de son fils et craint pour sa vie.

Par contre, sont plus heureux les hommes et les femmes qui, attentifs à l'enseignement divin apporté par Jésus, l'écoutent, le comprennent, l'acceptent et le vivent. Ce sera plus tard, le cas de Marie. S'il y a beaucoup de joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se repent, le Seigneur met au cœur du racheté une joie profonde que rien ni personne ne saurait lui ravir. Heureux vraiment, celui-là!

Avec tout le poids que lui donne celui qui la prononce, cette affirmation montre que la grâce d'être choisie pour engendrer notre Sauveur sous sa forme humaine, s'efface devant celle accordée à quiconque de recevoir la foi qui sauve. Jésus a résumé cette vérité fondamentale de façon lapidaire en Jean 6:63: «C'est l'Esprit qui vivifie; la chair ne sert à rien.»

7. Au pied de la croix:

«Près de la croix de Jésus se tenaient sa mère et la sœur de sa mère, Marie, femme de Clopas, et Marie de Magdala. Jésus, voyant sa mère, et auprès d'elle le disciple qu'il aimait, dit à sa mère: Femme, voilà ton fils. Puis il dit au disciple: Voilà ta mère. Et, dès ce moment, le disciple la prit chez lui.» Jean 19:25–27

Jésus, cloué au bois de Golgotha entre deux criminels, est près d'expirer: victime obéissante, librement offerte aux affres de la souffrance et de la mort. Son regard douloureux s'abaisse vers ceux qui, là, tout en bas, au pied de la croix, sont venus partager ses derniers moments. Parmi eux quelques femmes, dont sa mère et, seul des onze, Jean, le disciple qu'il aimait entre tous. Marie, passant par-dessus ses interrogations et la honte de voir son fils aîné exécuté comme un malfaiteur, a été irrésistiblement conduite vers ce lieu sinistre. Son cœur de mère, déchiré, éperdu, bat si fort pour celui dont la conception miraculeuse et la naissance l'avaient comblée! Elle avait fondé sur lui de tels espoirs! Mais maintenant, tout s'effondre... La vie précieuse de son fils va finir là, dans l'infamie. Marie a-t-elle conscience du fait que la prophétie du vieillard Siméon se réalise en ces heures terribles? Il ne le semble pas encore. Pourtant, c'est une épée cruellement tranchante qui transperce son âme.

Joseph ne se trouve pas là. Est-il mort? N'a-t-il pas eu le temps de venir de Nazareth? Le courage lui a-t-il manqué? L'Ecriture ne le dit pas. Les frères et les sœurs de Jésus ne sont pas là non plus. Comme ils ne croyaient pas en lui (Jean 7:5), ils avaient dû se détourner ouvertement, dès que la nouvelle de son arrestation parvint à leurs oreilles... L'arrestation, les interrogatoires, la condamnation, la mise en croix... bref, la honte! Intolérable situation pour eux qu'animait le souci de paraître! Aussi se tenaient-ils éloignés de Golgotha en ces heures tragiques. Et puis, ils ne veulent pas voir souffrir Jésus.

Il fallait être la mère du supplicié et le plus intime de ses disciples pour oser affronter le mépris et l'hostilité de la foule qui se moque et conspue le crucifié.

Donc, le regard douloureux de Jésus s'abaisse vers les quelques-uns qui l'ont accompagné jusqu'au Calvaire. Il rencontre les yeux angoissés de Marie, isolée, désemparée, tremblante, faible... Et puis, il découvre Jean près d'elle, qui lui aussi le regarde, interrogatif. Alors, rassemblant le reste de ses forces, qui déclinent rapidement, Jésus s'adresse à Marie: «Femme, voilà ton fils» lui dit-il, en portant les yeux sur Jean. Puis il dit à Jean, désignant Marie du regard: «Voilà ta mère.» Notons que Jésus n'a pas dit à Marie: «Mère, voilà ton fils», mais comme à Cana: «Femme». Cela met intentionnellement une distance entre eux. Pour Jésus, Marie n'est qu'une femme cruellement atteinte dans son affection maternelle, désemparée, désorientée, brisée de douleur, qui a besoin de protection et de salut. Certes, il a été miraculeusement conçu en son sein, dans la forme humaine qu'il a accepté de prendre peu de temps, pour sauver les hommes. Mais il était Dieu, il était avec Dieu dès le commencement. Tout a été créé par lui et pour lui (Colossiens 1:16). Marie est, pour Jésus, l'une de ses créatures pour lesquelles il va mourir. Une simple femme...

Jean, lui, est plus fort parce qu'il a suivi son Maître depuis trois ans. Il a cru en son enseignement, il a été témoin de beaucoup de miracles, et surtout, il a personnellement mis en oeuvre la puissance reçue d'En-haut. Jésus connaît le cœur déchiré de son disciple. Il sait que, le premier parmi les onze, il croira à la résurrection, devant le tombeau vide... Alors, il va lui confier Marie. Elle est de la même nature que Jean: pécheresse et mortelle; il pourrait être son fils... Alors, Jésus dit au disciple: «Voilà ta mère». Il la lui confie, car dans sa prescience il sait que Jean en prendra soin, l'aidera à surmonter l'épreuve, à en saisir la finalité. Il la guidera sur le chemin de la foi, la protégera et, s'il le faut, l'aidera matériellement si Joseph n'est plus ou si le soutien de ses autres enfants lui manque un jour. Jean a reçu l'ordre du Maître. Par amour et fidélité pour lui, le disciple accomplira sa mission. Il recueille Marie pour en prendre soin comme de sa propre mère. Réciproquement, elle le considérera et l'aimera comme son propre fils.

Ainsi, cet ultime épisode du ministère public de Jésus fait apparaître Marie en position de faiblesse et de vulnérabilité tout humaine. Comme pour chaque racheté, son chemin du salut passe par la croix.

 


blue care wAccueil
  Liens
  Plan du site        
  Contact
tampon 5x5 gris