Les insensés pensent: «Dieu n'existe pas». Ils sont corrompus, leurs actions sont dégradantes, aucun n'agit bien.

Psaume 14.1; Bible du Semeur

Dans ce tableau terrible de la nature humaine, écrit W. G. Scroggie, (The Psalms, vol. 1. p.98) il est question, moins d'un athéisme formulé, philosophique, que d'un athéisme pratique, d'une perversité morale.

Est athée, écrit-il, celui qui exclut Dieu de ses calculs et qui ordonne sa vie sans tenir compte des droits et des exigences divins. Toutefois, nous constatons que la pensée détermine le caractère et inspire le comportement, car l'homme «est tel que sont les arrière-pensées de son âme» (Proverbes 23.7a). La pensée et l'acte sont indissociables. Tout homme qui agit de la sorte est qualifié d'insensé par le Seigneur, et le chemin dans lequel il s'engage conduit à la catastrophe... et au jugement.

Un regard en arrière

Nous venons de quitter un siècle jalonné d'horreurs. Quel chiffre donner, en dizaines de millions, au nombre de victimes des guerres, des massacres et autres génocides pendant le 20e siècle? Comment expliquer cette inqualifiable inhumanité de l'homme envers son prochain? Qu'est-ce qui a inspiré les goulags, les camps de concentration, les pogroms, «l'holocauste», le terrorisme? Pouvons-nous en tirer des conclusions qui seraient utiles pour notre propre cheminement?

Nous allons essayer de poser des jalons de réponses à ces questions en retraçant dans quelques grandes lignes le développement de la philosophie athée au travers de ces derniers siècles. Au risque de trop simplifier, nous serons obligés de résumer, de survoler, de choisir des exemples représentatifs pour illustrer nos propos. Dans un article ultérieur nous tâcherons de formuler une réponse chrétienne aux problèmes évoqués.

Au 17ème siècle: extension du rationalisme

Un mouvement de pensée émerge au 17e siècle, le Rationalisme, qui n'est pas, au départ, une approche explicitement athée. Les rationalistes des 17e et 18e siècles ont développé des systèmes marqués par une grande diversité, mais fondés sur une prémisse commune: la rationalité de l'univers et le pouvoir de la raison de le saisir. Déjà les Réformateurs du 16e siècle avaient pris comme point de départ – rationnel – l'action de Dieu en Christ de laquelle témoignait la Sainte Ecriture. Mais d'autres, sans être forcément irréligieux, appliquaient la logique à leur étude de la structure rationnelle de l'univers; puisque toutes choses pouvaient être jugées à la lumière de la raison, celle-ci finissait, pour certains, par évacuer le surnaturel pour ne laisser que la nature et ce qu'ils pouvaient déduire en l'examinant. Libre à chacun d'assigner à Dieu dans son schéma le rôle qu'on voulait bien lui accorder. On peut citer comme exemples Descartes (1596-1650), Spinoza (1632-1677), et Leibnitz (1646-1716). (Colin Brown, Philosophy and the Christian Faith, Tyndale Press, Londres, 1959; p. 48ss).

Au 18ème siècle: le «siècle des Lumières» met la Révélation biblique sous le boisseau

Dans le contexte d'un mouvement, devenu mondial, vers le rationalisme hérité du 17e siècle, la pensée du 18e siècle se raffine, et combine l'opposition à la religion surnaturelle avec la confiance en la toute-suffisance de la raison humaine, motivées par l'ardent désir de promouvoir le bonheur des hommes dans cette vie. La plupart de ses représentants rejettent le dogme chrétien; ils affichent leur hostilité au catholicisme ainsi qu'à l'orthodoxie protestante, qu'ils considèrent comme des barrières à l'utilisation des facultés rationnelles humaines. Leur confiance inébranlable en la bonté de l'homme les rend aveugles à la réalité du péché, et produit un optimisme facile: il suffit de reconnaître les principes de la raison éclairée pour annoncer le progrès et la perfectibilité de la société humaine. (The Oxford Dictionary of the Christian Church, Oxford University Press, Londres, 1958; p, 105). Nous citerons deux exemples parmi les représentants de ce courant de pensée.

Jean-Jacques Rousseau (1712-1778). Sans abandonner la religion, il popularise la nature, et cède à un parti pris qui subsistera aux 19e et 20e siècle: une conception naïve, optimiste, du caractère de l'homme, combinée au refus de prendre au sérieux la Révélation chrétienne. (Colin Brown, op. cit., p. 81).

Emmanuel Kant (1724-1804). Sa pensée représente le point culminant du rationalisme du 18e siècle. Kant rejette les preuves traditionnelles de l'existence de Dieu. L'homme devenu adulte doit se débarrasser de toute pseudo-autorité externe, et faire ce que lui dicte sa raison, car il n'a plus besoin de Dieu comme conseiller céleste. Il faut libérer le christianisme de sa foi en un Dieu surnaturel qui intervient dans les affaires humaines, et mettre à sa place la notion d'un Créateur impersonnel qui ne s'intéresse plus au monde. Une religion d'auto-suffisance doit remplacer l'idée de la grâce de Dieu qui mène au salut. (Colin Brown, op. cit., p. 90).

Au 19ème siècle: l'athéisme étend ses racines

Le 19e siècle, époque de foi et d'incrédulité, fut témoin, d'une part, de l'expansion missionnaire et de réveils, et, d'autre part, d'un nombre grandissant de voix clamant haut et fort que les fidèles sont captifs d'illusions. Nombre de philosophes partageaient le désir de réinterpréter le christianisme à la lumière des connaissances qu'ils estimaient vraiment modernes. Dans l'opinion publique, les savants scientifiques expliquaient de mieux en mieux le fonctionnement de l'univers, laissant de moins en moins de place à Dieu. Pour certains, le renversement définitif de Dieu allait ouvrir la voie à des philosophies athées ou agnostiques dignes de prendre sa place. (Colin Brown, op. cit., p. 107).

Ludwig Feuerbach (1804-1872). Ce philosophe allemand exerce une influence déterminante sur certains de ses contemporains et successeurs, par un matérialisme qui réduit à néant la dimension spirituelle. Selon lui, dans la religion l'homme purifie, pro- jette et objectifie sa propre nature pour en faire et contempler un être divin distinct. «La théologie n'est rien d'autre que l'anthropologie; la connaissance de Dieu n'est rien d'autre que la connaissance de l'homme» (L. Feuerbach, The Essence of Christianity, 1841; p. 14).

Charles Darwin (1809-1882): le matérialisme biologique.

Dans son livre célèbre, L'origine des espèces (1859), Darwin combine et développe deux idées maîtresses. La première, ancienne, postule le développement graduel de la vie au cours de millions d'années à partir d'un ancêtre commun. La seconde, nouvelle, parle de «sélection naturelle» par la concurrence et la survivance des plus forts. Ainsi est promulguée l'hypothèse d'une sélection fondée sur des variations aléatoires et la lutte pour la survivance. Toutes les caractéristiques humaines – physiques, mentales et morales – auraient leur explication dans une modification progressive de nos ancêtres anthropoïdes, et tomberaient, par conséquent, dans le domaine de la loi naturelle, du hasard. L'évolutionnisme déborde du cadre biologique et devient le tremplin pour des philosophies évolutionnistes sociologique, morale et éthique. (Charles Hummel, The Galileo Connection, IV Press, 1986; p.. 227ss).

Notre but ici n'est pas d'entrer dans un débat d'ordre scientifique (pour lequel nous serions incompétents), car notre querelle avec Darwin se situe sur le plan théologique. L'agnosticisme de Darwin devient plus évident dans ses déclarations postérieures au livre mentionné plus haut. Pourquoi Darwin figure-t-il parmi les cinq hommes qui, selon un sondage fait en décembre 1999, ont exercé le plus d'influence sur l'humanité pendant les 1000 dernières années? «Je crois, dit Rick Lanser, qu'il s'agit de l'attraction qu'exerce l'évolution sur l'homme naturel, car celui-ci cherche constamment à contourner ce Dieu qui gêne avec ses exigences morales (...). Je pense que nous verrons bientôt la macroévolution (apparition de nouvelles espèces par voie de mutation) darwinienne dirigée vers la décharge des idées abandonnées. De nouvelles découvertes en biochimie et d'autres sciences «dures», combinées avec des études statistiques, feront la démonstration définitive que les changements provoqués par des mutations sont impossibles (...). L'évolutionnisme darwinien n'est, enfin, qu'une philosophie fondée sur des a priori religieux qui essaie, sans grand succès, d'interpréter les données à partir de prémisses purement naturalistes. Il est populaire, non pas en tant que bonne science, mais parce que, selon les mots de l'ultra-évolutionniste Richard Dawkins, il fournit les moyens d'être un «athée intellectuellement comblé». ( Rick Lanser in Associates for Biblical Research Newsletter, jan/fév. 2000; p, 2).

Nous reviendrons ci-après sur l'influence que le Darwinisme a exercé sur d'autres maîtres à penser.

Karl Marx (1818-1883): «matérialisme dialectique» politico-économique.

En 1843 Marx avait déjà formulé le programme auquel il resterait désormais fidèle. «L'abolition de la religion, écrit-il, en tant que bonheur illusoire de l'homme, est indispensable pour son bonheur véritable». Marx voit en Feuerbach le fondateur du matérialisme authentique et de la science positive, en ce qu'il avait fait de la relation d'homme à homme le principe fondamental de sa théorie. Et de dénoncer la religion comme ennemie de tout progrès; le vide laissé par sa disparition doit être rempli par un matérialisme dynamique modelé sur la dialectique de Hegel. Le mariage du matérialisme avec la tension dialectique s'appelle «matérialisme dialectique» : sa façon d'étudier les phénomènes de la nature est dialectique, alternant entre thèse et antithèse pour aboutir à une synthèse, tandis que son interprétation de ces phénomènes est matérialiste, dénuée de la dimension spirituelle. A ce sujet Bertrand Russell, lui-même athée, commente: «Marx se déclare athée, et pourtant il garde un optimisme que seul le théisme pourrait justifier. D'une manière générale, tous les éléments dérivés de Hegel sont non- scientifiques, dans ce sens qu'il n'y a aucune raison de les supposer vrais»

Karl Marx, fervent admirateur de Charles Darwin, trouve utile la loi darwinienne de la compétition. Ayant lu L'origine des espèces en 1860, il commenta: «Le livre de Darwin est très important, et me sert de base comme science naturelle pour soutenir la lutte historique». Ainsi l'évolution apporte sa contribution à la doctrine communiste, selon le rôle que Marx choisit de lui assigner.

Friedrich Nietzsche (1844-1900): athéisme militant.

Adversaire acharné de la religion, il est fêté comme le fondateur de l'école de la «Mort de Dieu». Son point de départ est la non-existence de Dieu. L'homme est, par conséquent, laissé à lui- même pour déterminer l'orientation de sa vie, puis se débrouiller seul. Nietzsche n'a que du mépris pour ceux qui rejettent l'idée chrétienne de Dieu, mais cherchent à récupérer la morale chrétienne. Il faut tout balayer, dit-il, et recommencer à partir de zéro pour que chacun distingue par sa propre volonté entre le bien et le mal. Les torrents de diatribe amère émis par cet homme, malade toute sa vie et mort aliéné, ont eu une influence incalculable sur nombre d'écrivains, de poètes et de philosophes européens. Il est à noter surtout que Nietzsche fut adopté comme le philosophe attitré du National Socialisme, et reconnu pour être l'athée le plus conséquent du 19e siècle.

Sigmund Freud (1856-1939): le matérialisme psychologique.

Freud choisit la science naturelle comme point de départ, et enracine sa théorie dans les sciences biologiques et leurs méthodes de recherche. En d'autres termes, il opère dans un système fermé de cause à effet, dans lequel les lois biologiques et physiques de la nature déterminent tous les aspects de l'existence humaine. Il maintient, donc, que l'évolution de l'homme à partir d'animaux inférieurs, l'émergence des croyances religieuses et l'essor de la civilisation, ainsi que le développement de chaque personnalité individuelle, sont assujettis à des lois naturelles inexorables (Roger Hurding, Roots and Shoots, Hodder R Stoughton, Londres, 1985; p. 73.).

Au 20e siècle: qui sème le vent moissonne l'ouragan

Dans la mosaïque de textes tirés de l'Ancien Testament construite par Paul pour décrire les hommes sans Dieu, il dit, entre autres: «Leur bouche est pleine d'aigres malédictions. Leurs pieds sont agiles quand il s'agit de verser le sang. La destruction et le malheur jalonnent leur parcours. Ils ne connaissent pas le chemin de la paix. A leurs yeux, respecter Dieu n'a aucun sens» (Romains 3.14-18; Bible du Semeur).

Peut-on trouver un tableau plus percutant de ceux qui, au cours du 20e siècle, ont adopté et mis à exécution l'athéisme militant hérité des maîtres à penser, leurs prédécesseur? Dieu est évacué de la scène; l'homme, accident de la nature ou résultat de lois naturelles aveugles, n'est plus créé à l'image de Dieu. Il perd, par conséquent, son identité unique, sa dignité et sa valeur, et peut être supprimé selon les caprices de quiconque exerce le pouvoir absolu et en abuse. Les Hitler et autres Staline pouvaient formuler leur propre système éthique et supprimer quelques millions de leurs contemporains sans craindre d'avoir des comptes à rendre à un quelconque Etre suprême. Il nous paraît donc évident que les événements tragiques du 20e siècle ont été inspirés par l'influence diabolique de Darwin, Marx, Freud et leurs compères. Ainsi que nous l'avons déjà dit, notre querelle avec eux ne se situe ni sur le plan biologique, ni sur les plans politique ou psychologique, mais bel et bien avec leurs a priori théologiques; notre point de départ à nous est la conviction que Dieu est – Créateur, Rédempteur et Juge – et qu'un jour tous les hommes se tiendront devant lui pour rendre compte de leurs actions sur la terre.

La lecture de cet article n'aura peut-être pas été des plus faciles, mais n'avons-nous pas besoin de courage et de discernement pour voir en face les réalités du 21e siècle, et formuler une réponse chrétienne qui soit notre témoignage, approprié à notre génération ? Nous espérons, Dieu voulant, consacrer un nouvel article à cette question.

Frank Horton