Une prière à faire et à méditer:
Notre Père...

La prière que notre Seigneur nous a apprise est rapportée deux fois dans les évangiles. Matthieu transmet la version devenue familière, Luc en donne une version résumée (cf. Mt 6.9-13 et Lc 11.2-3).

On peut se demander pourquoi parmi les évangéliques que nous sommes, le Notre Père est souvent délaissé, alors que nous proclamons volontiers à la suite de l'apôtre Paul que toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, corriger, instruire dans la justice (2 Ti 3.16) et, qu'en héritiers des Réformateurs du XVIe siècle, nous affirmons que la Bible est notre seule règle de foi et de conduite. Méditons-la ensemble.

UNE CLE

Lorsque nous prions: Notre Père qui es aux cieux nous reconnaissons notre identité. Notre désigne la communauté des disciples et Père notre filiation. Mon identité est définie par deux repères: Dieu et l'Eglise. Dieu emploie l'Eglise, d'une manière ou d'une autre, pour que l'Evangile de Jésus-Christ me parvienne, puis par l'Esprit Dieu fait de moi son enfant. Ainsi j'ai une identité: enfant de Dieu et une famille: le peuple de Dieu. Lorsque Jésus emploie la métaphore du père pour nous apprendre à prier, il n'ignore pas le risque de cette image: il y a beaucoup de bons pères, mais il y a aussi des pères indignes, tyranniques, absents, inconnus. De telles situations laissent des blessures profondes et l'idée négative du père terrestre risque d'être projetée sur le père céleste. Mais notre Seigneur emploie le Notre Père et l'enseignement donné aux disciples dans la communauté ecclésiale pour restaurer l'image du père en faisant connaître Celui qui est aux cieux. Ce dernier terme est au pluriel, notre Père est au-dessus de tout, avant tout, maître de tout; sa demeure est la maison paternelle vers laquelle nous marchons. Aux cieux marque aussi son altérité, il est Créateur, nous sommes créatures. Notre Père qui es aux cieux, clé de notre identité et de la sienne.

UNE PORTE

Notre âme s'élevant dans la prière, nous franchissons la porte de la demeure paternelle en disant: Que ton nom soit sanctifié. Dans la culture hébraïque, celle de Jésus, connaître le nom n'est pas simplement savoir qu'un tel s'appelle ainsi, c'est connaître intimement cette personne; ainsi Jésus dit à son Père: J'ai fait connaître ton nom aux hommes... Jn 17.6, autrement dit je t'ai révélé, j'ai manifesté qui tu es.

Sanctifier signifie rendre saint, l'idée ici est de rendre vénérable. Lorsque nous disons: Que ton nom soit sanctifié, nous entrons dans le concert de louanges universel conduit par les séraphins d'Es 6.2, les vivants d'Ap 4.6. Nous joignons nos voix aux chœurs des anges, à l'assemblée des premiers-nés, à celles des justes parvenus à la perfection (cf. Heb 12.22). La louange est liée à la connaissance, fruit de l'Esprit de révélation qui fait resplendir la gloire de Dieu sur la face du Christ. Jésus, vrai homme, est l'image parfaite du Dieu invisible; c'est pourquoi il dit à Philippes: Celui qui m'a vu a vu le Père Jn 14.9. Que ton nom, soit sanctifié est la porte de la louange.

UNE FENETRE

Que ton règne vienne. Cette requête est une fenêtre ouverte sur l'avenir, une fenêtre eschatologique. C'est le cri d'amour du peuple de Dieu. Nous savons que l'Existant (cf. Ex 3.14), Celui qui n'a ni commencement ni fin, le Concepteur, le Créateur et Conservateur du monde est avant tout et au-dessus de tout. Il règne depuis toujours et pour toujours c'est un fait assuré. Mais nous aspirons à la manifestation de son règne parce que présentement sa souveraineté n'est pas reconnue par tous, elle est contestée, un combat cosmique est engagé. Le triomphe final est certain, mais le mal et la mort ravagent encore la terre. Présentement le Fils unique, qui a reçu du Père le nom qui est au-dessus de tous noms... dans les cieux, sur la terre et sous la terre Ph 2.9, siège à la droite du Père Col 3.1. Il faut qu'il règne jusqu'à ce que le dernier ennemi, la mort, soit vaincu. Alors il remettra le royaume au Père, afin que Dieu soit tout en tous 1 Co 15.28. Glorieuse perspective que nous appelons de tout coeur et qui nourrit l'espérance du peuple de Dieu au fil des siècles.

UNE PLACE

Lorsque dans la prière nous disons: Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel, nous parvenons à la place de la concorde, elle résonne du cri d'amour précédent. C'est le désir universel du peuple de Dieu, par conséquent il doit s'inscrire dans la vie de chacun de ses membres. Non pas ma volonté Seigneur, mais la tienne, doit continuellement faire écho en nous à la prière de notre Seigneur à Géthsémané. Nous sommes appelés à subordonner nos désirs à ceux de notre Père, à renoncer à nos voies pour suivre les siennes. Que d'expériences cruelles sont évitées lorsqu'il en est ainsi. La prière est la respiration du chrétien, dit-on avec raison; mais que demandons-nous dans nos prières? Pourquoi tant de prières restent sans réponse? (cf. Jac 4.3) Certes Jésus a dit: Tout ce que vous demanderez en priant, croyez que vous l'avez reçu, et vous le verrez s'accomplir Mc 11.24. A la place de la concorde nous est rappelé quotidiennement qu'il ne faut pas dissocier cette promesse de la volonté souveraine de notre Père. Il n'exauce que les prières conformes à sa volonté (cf. 1 Jn 5.14).

DES HALLES

Poursuivant la prière nous disons: Donne-nous aujourd'hui notre pain de ce jour. Nous voici aux halles de la Providence. Le pain symbolise tous nos besoins: matériels, économiques, affectifs, spirituels. Mieux que quiconque notre Père sait de quoi nous sommes faits, c'est pourquoi la Parole incarnée nous apprend à faire part de nos besoins. Par la bouche d'un de ses prophètes, notre Père nous invite cordialement à entrer: Venez, achetez et mangez. Venez, achetez du vin et du lait, sans argent, sans rien payer! Es 55.1. Aux halles de la Providence, se trouve tout ce dont nous avons besoin, dans la prière personnelle prenons le temps d'exposer tous nos besoins à notre tendre Père. Prenons avec joie et reconnaissance ce qu'il nous donne. Les halles de la Providence sont les Restos du coeur de Dieu, nous y recevons le nécessaire jour après jour, comme Israël recueillait la manne au désert.

UN CARREFOUR

Pourvu du nécessaire nous parvenons au carrefour de la réconciliation lorsque nous disons: Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés. Deux voies se croisent, celle du Seigneur et la notre, elles forment une croix. Elle nous rappelle celle où le Père pardonne nos péchés à cause de son Fils. A ce carrefour il nous faut faire halte pour reconnaître quotidiennement nos fautes. Certaines nous sautent aux yeux, il faut les confesser; mais sont-ce les seules? Il faut laisser l'Esprit sonder nos coeurs, mettre en lumière telle pensée, rappeler telle parole ou action trop vite oubliée; parfois l'Esprit souligne ce qui aurait dû être fait ou dit, tel sentiment de compassion qui aurait dû jaillir d'un coeur pur. A trop vite franchir le carrefour de la réconciliation, on ne progresse pas dans la sanctification. Cet examen de conscience, indispensable à notre communion avec le Père, est le premier bras de la croix, le second concerne nos relations avec nos semblables. Le pardon nous est accordé dans la mesure où nous le donnons à ceux qui nous ont offensés. C'est le moment de faire le compte des bobos et des plaies, puis de pardonner à ceux et celles qui les ont provoqués. Ainsi dégagés, aucune racine d'amertume n'empoisonne nos vies et nos relations. Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés, crucial carrefour de la réconciliation.

UNE PASSERELLE

En nous apprenant à demander: ne nous soumets pas à la tentation, notre Seigneur sait de quoi il parle. Le Père ne tente jamais personne, lui qui connaît toutes choses ne peut être tenté par le mal (cf. Je 1.13); mais dans le conflit cosmique qui l'oppose à Satan, il arrive qu'il permette au Tentateur de mettre notre foi à l'épreuve (cf. Job 1.1). Ces épreuves, permises par notre bon Père céleste, le sont pour deux raisons: d'une part démontrer dans les lieux célestes l'authenticité du culte que nous offrons à Dieu, de l'autre nous faire spirituellement grandir à la ressemblance de son Fils. Redoutable passerelle que la tentation car nous sommes tous conscients de notre vulnérabilité, c'est pourquoi nous demandons: ne nous soumets pas à la tentation.

UNE AVENUE

Nous parvenons ainsi à la dernière requête: délivre-nous du mal. Le mal est là, partout, tapis à la porte de notre coeur (cf. Gen 4.7) et dans le monde entier où, par la volonté de notre Seigneur, nous sommes présentement appelés à vivre, lumignons dans les ténèbres, grains de sel dans la salade universelle, signes concrets d'une humanité vraiment nouvelle, porteurs d'un message d'espérance pour nos contemporains. Délivre-nous du mal, avenue de la victoire assurée en Christ, pour quiconque se confie en Lui.

UNE PRIÈRE

Une prière à faire chacun pour soit, ne vous privez pas de cette bénédiction. Une prière à méditer et à faire ensemble d'un coeur sincère. Pour cela, il faut évidemment savoir le Notre Père et si possible le dire dans les mêmes termes. Certains le savent depuis longtemps, d'autres ont à l'apprendre. Si c'est votre cas, choisissez la version la plus répandue, vous pourrez ainsi, où que vous soyez, prier avec vos frères et soeurs Notre Père qui es aux cieux.

Jean-Pierre Golay, pasteur