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La fille du roi de la mer
Chapitre 19: SOUS LES POMMIERS EN FLEURS

Deux années s'étaient écoulées. Le printemps éclatait en Normandie. Partout, dans la campagne, fleurissaient les bouquets rose et blanc des pommiers...

Un soir, des visiteurs se présentèrent au château: ils venaient du Danemark, et quand Thierry s'avança à leur rencontre pour leur souhaiter la bienvenue, il reconnut soudain Eric et Helga, escortés d'une vingtaine de guerriers et de serviteurs. Helga tenait dans ses bras un bébé blond aux yeux bleus, un vrai petit Viking.

– Il s'appelle Thierry, dit-elle sans préambule. Et elle campa le poupon dans les bras de Thierry de Hauterive.

Quand la comtesse apprit qu'Eric et Helga venaient d'arriver en Normandie, avec l'intention de s'y installer, elle ne put s'empêcher d'éprouver une certaine appréhension. Elle avait gardé le souvenir des récits de son neveu et ne pouvait imaginer Helga, cette sauvageonne, ce garçon manqué, qui tuait les élans au couteau de chasse, dans le rôle d'une paisible mère de famille!

– Que vont-ils faire ici? Que vont-ils devenir? s'exclama-t-elle.

Thierry eut un léger sourire.
– J'ai quelques idées là-dessus, tante Agnès. Nous en parlerons demain, si vous le permettez.

Les visiteurs furent très bien reçus, Odette et Didier étaient ravis. La petite fille s'était emparée du ravissant bébé, qu'elle comblait de caresses. Didier assourdissait Eric de questions et ne se lassait pas de contempler les superbes cadeaux qu'Eric avait apportés: des armes magnifiques pour le jeune comte et son cousin, des fourrures précieuses et des bijoux pour la comtesse et sa fille. Eric avait même offert à Didier un de ces curieux bracelets ciselés, comme en portaient les Vikings. Didier l'avait attaché immédiatement à son poignet et le faisait tourner, fasciné par l'étrange beauté de ce bijou barbare.

Le lendemain matin, Thierry demanda un entretien à la comtesse.
– Je connais les projets d'Eric, dit-il, il m'en à entretenu hier soir. Il veut acheter une terre et faire de l'élevage.
– De l'élevage! s'écria la comtesse. Vous n'allez pas ma dire que cette Helga sait traire les vaches!

Thierry ne put s'empêcher de rire.
– J'ai l'impression que s'il y a des vaches à traire, se sont les servantes qui s'en chargeront! Quoi qu'il en soit Eric a l'intention d'élever des chevaux J'ignore s'il se connaît en vaches, mais je sais qu'il connaît très bien les chevaux, et qu'il les aime. Tante Agnès, donnez-leur leur chance. Ils sont chrétiens et désirent gagner honnêtement leur vie : vendez-leur une terre.

– Et comment paieront-ils? s'inquiéta la comtesse.

Elle n'était pas absolument charmée à l'idée de voir cet ex-pillard s'installer sur ses terres. Mais elle ne pouvait oublier qu'Eric avait sauvé sa fille, ni qu'elle lui avait dit, dans un élan de reconnaissance: «– Ma demeure est la tienne, mon foyer est le tien.» Elle tiendrait sa parole et l'accepterait non seulement comme un hôte de passage, mais comme un vassal établi sur le domaine de Hauterive. Cependant, la famille de Hauterive avait été tellement appauvrie par les invasions normandes, le pillage et l'incendie du château, les ravages opérés sur leurs terres par les envahisseurs, que la comtesse envisageait avec une certaine inquiétude l'idée de céder une terre à des gens qui ne seraient probablement pas en mesure d'en payer le prix.

Thierry eut un sourire.
– Eric est riche, ma tante!
La comtesse ne put réprimer un frisson.
– Voulez-vous dire, Thierry, qu'Eric a l'intention d'acheter une terre avec de l'argent volé? Avec le produit des pilleries de son père? Jamais je n'accepterai un tel marché!
– Rassurez-vous, tante Agnès! Il s'agit d'argent honnêtement gagné. Pendant deux ans, Eric a chassé les fourrures. Il en apporte une cargaison dans ses bagages. Les fourrures des pays du Nord se vendent très cher en France, et celles qu'apporte Eric sont très belles: je les ai vues. Il a de quoi acheter un grand domaine et bâtir un château.

*****

Ils étaient allés ensemble: Thierry, Eric et Helga, visiter le domaine qu'Eric voulait acquérir: une forêt, des prairies, un étang poissonneux, un beau verger.

– Quel pays merveilleux! dit Helga.

Elle poussa la barrière du verger et s'avança sous les pommiers en fleurs. Sans lâcher son enfant qu'elle tenait sur un bras, elle leva l'autre bras et saisit un rameau fleuri, qu'elle courba vers elle. Les pétales neigeux, que le vent effeuillait, ruisselèrent sur la chevelure d'Helga et sur ses épaules. Et Thierry, souriant, regardait la fille du roi de la mer, debout sous les pommiers normands, dans la lumière du matin...

F I N

 


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