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La fille du roi de la mer
Chapitre 14: LA PAIX EST SIGNEE

Chartres soutint un siège héroïque contre l'envahisseur. L'évêque avait organisé la défense de la ville. Il fit demander du secours au comte de Paris, au duc de Bourgogne et au comte de Poitiers, qui arrivèrent à marches forcées avec leurs troupes. Les habitants de Chartres, sous la conduite de l'évêque, firent alors une sortie. Après une rude batille, Rollon, se voyant cerné, réussit à se dégager et à battre en retraite, non sans laisser sur le terrain un grand nombre d'hommes, tués ou blessés.

Le roi Charles III profita de cette défaite des Normands pour offrir la paix à Rollon. Des pourparlers s'engagèrent, qui aboutirent au traité de Saint-Clair-sur-Epte: Rollon recevait les diocèses de Rouen, de Lisieux et d'Evreux, c'est-à-dire le territoire qu'il occupait déjà. (On croit parfois que Rollon reçut de Charles le Simple la totalité du territoire qui devait former, par la suite, la province de Normandie. C'est là une erreur.) Il prenait le titre de duc de Normandie. En échange, les Normands s'engageaient solennellement à renoncer à envahir et à rançonner le reste du royaume.

De chef viking, Rollon devenait seigneur féodal et duc de Normandie. Il reçut l'hommage de ses capitaines et celui des comtes français qui se trouvaient maintenant ses vassaux. (Rollon ne destitua pas les seigneurs français pour donner leurs terres à ses compagnons. Cet aventurier se montra juste et respecta la parole donnée). Il abandonna le paganisme et fut baptisé par l'archevêque de Rouen. Cet exemple fut suivi par un grand nombre de ses guerriers.

Rollon avait épousé une chrétienne, la fille du comte Béranger de Bayeux. Elle se nommait Popa et fut la mère de Guillaume Longue-Epée. (Tout porte à croire que la conversion de Rollon fut sincère, bien qu'il fût probablement peu éclairé sur la religion chrétienne au moment de son baptême. Son fils, Guillaume Longue-Epée, fut un véritable chrétien, un homme pieux et charitable).

Didier, en tant que comte de Hauterive, fut obligé de rendre hommage à Rollon pour son fief. Il le fit à contre-cœur. Rendre hommage à un Normand, même à un Normand converti au christianisme, lui paraissait humiliant pour un seigneur français.
- Le roi nous a vendus aux Normands! déclara-t-il à son cousin.
Sa voix tremblait de colère et d'indignation.

Thierry ne partageait pas cette indignation.
- Signer la paix avec Rollon et lui accorder des terres était probablement la seule chose à faire, dit-il avec sagesse. Voilà bien longtemps que, chaque année, les Normands pillent re ravagent le royaume de France sans qu'on puisse les en empêcher. Deux fois ils ont failli prendre Paris. Leur donner une terre, en échange de leur promesse de se tenir tranquilles à l'avenir, c'est assurer la paix du royaume.
- Mais n'est-ce pas là faire un marché de dupes? Qui nous prouve que Rollon et sa bande de pirates tiendront leur promesse? Ne vont-ils pas recommencer leurs expéditions de brigandage?
- Tu juges fort mal les Normands, Didier. J'ai vécu parmi eux. Ce sont des guerriers intrépide, farouches et sanguinaires. Mais ce ne sont pas des brigands sans foi ni loi, comme tu parais le croire. Ils respectent la parole donnée et sont capables de fidélité et de dévouement.

* * * *

Thierry avait vu juste. Rollon tint sa parole et demeura fidèle au roi de France. Non seulement il s'abstint de piller et de ravager les terres de ses voisins, mais encore il institua sur ses propres terres des lois sévères pour réprimer tout brigandage; quiconque incendiait les fourrages ou les récoles, quiconque volait une charrue ou des instruments agricoles, quiconque attaquait les charrois sur le sentiers ou sur les routes, était puni de mort, quel que fût son rang ou sa richesse. Rollon suspendit son bracelet à un arbre de la forêt et l'y laissa trois ans sans que nul ne s'avisât de le voler, tant était grande la crainte que le nouveau duc inspirait aux malfaiteurs! (Histoire de l'empire normand "P. Andrieu-Guitrancourt").

* * * *

Un soir, au château de Hauterive, se présentèrent des missionnaires de passage qui demandèrent l'hospitalité. Ils se rendaient à Rouen et venaient de Hambourg où était établi le siège de la mission fondée au siècle précédent pour l'évangélisation des pays scandinaves. Thierry, qui n'avait jamais entendu parler de cette œuvre, interrogea les missionnaires. En réponse à ses questions, ceux-ci lui racontèrent l'histoire d'Anschaire, le fondateur de la mission.

Anschaire venait de la célèbre abbaye de Corbie, en Picardie. Avec un compagnon, Aubert, il se rendit au Danemark en 826 pour y prêcher l'évangile. Il y eut de nombreuses conversions. Mais Harald, prince du Slesvig et du Jutland, qui protégeait les chrétiens et qui s'était fait baptiser, fut victime d'une sédition et dut se réfugier en Allemagne. Les missionnaires furent expulsés du Danemark et Anschaire dut se retirer en Saxe, emmenant avec lui ses catéchumènes.

Sans se décourager, les deux missionnaires repartirent l'année suivante pour une mission en Suède. Les conversions furent si nombreuses que les païens, effrayés, prirent les armes pour s'opposer aux progrès de la nouvelle religion. Le roi de Suède, Olaf, qui était favorable au christianisme, réunit l'assemblée du peuple. (Il n'y avait pas de système féodal chez les Vikings. Quand il y avait une décision grave à prendre, le roi réunissait l'assemblée du peuple où tous les hommes libres pouvaient prendre la parole). Une vive discussion s'engagea. Ne pouvant se mettre d'accord, les membres de l'assemblée décidèrent, suivant un vieil usage, de tirer au sort. Le sort se montra favorable au christianisme, et Anschaire put continuer son œuvre sans rencontrer d'obstacles.

Une vingtaine d'années plus tard, Anschaire réussit à retourner au Danemark, où il fonda plusieurs églises. Il mourut en 865, et son œuvre fut continuée par son successeur, Rimbert, pendant vingt ans.

Malheureusement, les guerres incessantes qui déchiraient l'empire eurent pour conséquence l'interruption de l'œuvre missionnaire. A l'heure actuelle, la mission était en sommeil. Les missionnaires de Hambourg s'efforçaient de garder le contact avec les convertis de Suède et du Danemark. Mais c'était fort difficile. Peut-être que la conversion de Rollon et l'établissement des Normands en Nustrie allaient favoriser la reprise de l'œuvre missionnaire dans les pays scandinaves. Tel était l'espoir des missionnaires. Ils avaient été envoyés en France auprès de l'archevêque Witton, de Reims, qui s'occupait activement de l'évangélisation des Normands établis en France.

Thierry, transporté d'enthousiasme, fit aux missionnaires le récit de sa captivité au Danemark, il leur présenta Eric et leur fit part de son brûlant désir d'aller porter l'évangile au pays des Vikings. Ne pouvaient-ils pas l'emmener avec eux? Il servirait volontiers d'interprète et Eric, fils de chef, introduirait les missionnaires auprès de son père, Knut, et de son beau-père, Olaf.

Après réflexion, les missionnaires acceptèrent d'emmener les deux jeune gens à Hambourg, auprès du chef de la mission.

Quand les missionnaires repartirent le lendemain, Thierry et Eric les accompagnaient.

 


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