Jeannot pendant la guerre - A deux... on y arrive mieux!

Il faut savoir se débrouiller dans la vie, surtout quand c'est la guerre, quand on n'a que sept ans et qu'on est le fils d'un missionnaire! Avec Etienne, Jeannot rend déjà de précieux services.

– Papa! Est-ce qu'il y aura un paquet à porter cet après-midi?
– Oui, oui, justement, Jeannot! Il faudrait aller chez une grand-maman qui a beaucoup de peine à marcher. Comme elle ne peut pas attendre des heures devant les magasins d'alimentation, parfois elle n'a plus rien à manger. Elle sera bien contente de recevoir ce que j'ai préparé pour elle: quelques pommes de terre, une livre de pain, un peu de beurre et cent grammes de sucre. Et moi, pendant ce temps, je visiterai des malades dans un autre quartier.
– Dis, papa! Par où devons-nous passer pour trouver cette grand-maman?
- J'allais te l'expliquer. Regarde, je t'ai fait un plan. Tu vois, il y a une... deux... trois rues à traverser, puis vous passerez sur un pont. Tout de suite après, vous tournez à gauche et vous allez tout droit jusqu'au numéro dix-huit. Cette grand-maman habite tout en haut, sous le toit.

Jeannot s'en va, tenant la main d'Etienne d'un côté, et le précieux paquet de l'autre!

Imaginez l'étonnement de la brave grand-maman quand elle ouvre la porte à deux si jeunes "livreurs"!
– Et tu vois, Etienne. explique Jeannot en sortant de l'immeuble, pour le retour c'est la même chose: on suit le dessin de papa, seulement attention. il ne faut pas oublier de tourner le papier à l'envers!

Un autre jour, il s'agit d'aller glisser une dizaine de lettres à la boîte. Cette correspondance est très importante. Jeannot reçoit donc toutes les recommandations qu'on peut faire à un enfant quand il ne doit rien perdre.

Cette fois, notre petit ami part tout seul, pour gagner du temps. Mais au bout d'un moment, il rentre à la maison, tenant toujours à la main le précieux courrier. Sans déranger ses parents occupés dans la pièce voisine, Jeannot s'adresse à son petit frère:
– Etienne! Viens... j'ai besoin de toi!

Les deux enfants s'en vont, la main dans la main. Jeannot doit avoir combiné quelque chose. Chemin faisant, il semble confier une importante mission à Etienne. Suivons-les, et observons bien! Tiens... ils s'arrêtent à l'angle de la deuxième rue, juste sous la boîte aux lettres. Alors Jeannot donne le courrier à son petit frère, se baisse, passe les bras autour des jambes d'Etienne, et fait un gros effort, au risque de perdre l'équilibre avec son lourd fardeau. Puis, de la tête, il montre l'endroit où les lettres doivent être glissées. Jeannot est encore trop petit pour arriver là-haut, mais avec Etienne, ça doit mieux aller. Tout va bien, en effet. Mais Jeannot ne se doute vraiment pas de ce qui va se passer dans quelques instants...
– Attends, mon petit! Passe-moi ces lettres! dit tout à coup une grosse voix derrière les deux enfants.

Surpris, Jeannot dépose vite à terre un Etienne tout intimidé qui tient encore les lettres.
– Donne-les-moi, tu as quand même trop de peine à les mettre dans la boîte!

Et cet homme tend le bras. Mais Jeannot arrache les lettres de la main d'Etienne, et les cache derrière son dos. Ce monsieur à casquette est peut-être un soldat ennemi déguisé, qui veut savoir ce que le père de famille vient d'écrire.

En moins d'une seconde, l'homme à casquette prend les lettres et les lance dans un gros sac. Jeannot en a le souffle coupé!
– Rendez-moi ces lettres, M'sieur! C'est pas à vous que je dois les donner!
– Mais regarde, mon petit...
– Rendez-les-moi, s'il vous plaît Monsieur... c'est dans la boîte que je devais les mettre... j'en suis responsable, moi!

Amicalement; le fonctionnaire tente de s'expliquer. Mais rien n'y fait. Il faut qu'Etienne aille chercher la maman pour que Jeannot puisse être tranquillisé.

– Bien sûr, je te comprends! dit bientôt la mère de famille en donnant à Jeannot un baiser sur le front. Tu ne pouvais pas deviner que ce monsieur était un vrai facteur qui passe vers toutes les boîtes pour en retirer les lettres!
– Et moi, je te félicite! ajoute l'employé postal. On pourra te confier des choses importantes, quand tu seras grand!

Texte: Samuel Grandjean