UN ENFANT TRES UTILE

Genovieva 11e épisode

Soudain, sans bruit la porte s'ouvre. Dans l'entrebâillement apparaît un jeune garçon.
– Bonjour Genovieva! s'écrie-t-il. Brusquement, la jeune fille se retourne.
– Oh, Ghiocel! Tu m'as presque fait peur. Comment vas-tu?
– Très bien. Mais qu'est-ce que tu fais là-haut? demande l'enfant surpris de voir sa grande amie perchée sur une échelle double, à côté de la fenêtre.
– Regarde! Je lave les vitres. Demain, c'est dimanche. Je me réjouis de revoir tes parents et les miens aussi, et tous les autres croyants qui vont venir ici. Il faut bien que tout soit propre... Et toi, Ghiocel, en promenade?

– Oui, je passais tout près. Alors j'ai pensé: "Allons vite dire bonjour à Genovieva!"
– C'est bien gentil, Ghiocel!
– Tu as besoin d'un petit coup de main?
– Oh oui... tu pourrais chercher du bois dans la cour, et refaire la provision près du fourneau. Et puis, il faudrait aussi remettre quelques bûches dans le feu, tu veux?
– Bien sûr. Il ne fait pas chaud, ici!
– Je sais, je sais, Ghiocel! Mais l'église est plus grande qu'un appartement. C'est difficile de la chauffer, surtout quand il gèle dehors comme ces jours-ci...
– Mais... tu es vraiment obligée de loger ici?

– Hélas, Ghiocel! On m'a fait toutes sortes d'ennuis parce que je suis chrétienne. A présent, j'ai la chance de pouvoir travailler ici comme concierge. Mais il vaut mieux qu'on me voie le moins possible dans la rue. C'est pourquoi j'ai renoncé à faire les trajets depuis la maison...

L'enfant reste pensif. Quelque chose le tracasse. Soudain il pose encore une question:
– Tu te laves où, Genovieva?
– Au robinet de la cour, juste ici derrière. Tu ne l'as jamais vu, à côté du petit baraquement des WC ?
– Bien sûr que je l'ai vu, mais... tu n'as pas d'eau chaude?
– Non! ici, ce n'est pas possible, mais ça va quand même. Pour me laver les cheveux, l'eau froide n'est pas idéale, mais après, je me sèche près du fourneau. Il faut se débrouiller comme on peut.
– Je vais chercher ton bois... se contente d'ajouter le jeune garçon.

Genovieva poursuit son nettoyage des vitres. Ensuite, elle lavera le sol, puis elle alignera les bancs.
– Voilà! J'ai pris tout ce que j'ai pu, s'écrie bientôt l'enfant, les bras chargés de bûches. Je fais un petit tas derrière le fourneau?
– Oui, s'il te plaît.
– Ca te rendrait service que j'aille t'acheter quelque chose dans les magasins, comme l'autre jour? demande encore Ghiocel, un peu plus tard.
– Ah, si tu as le temps, j'en serais bien contente. Tiens! voici quelques sous...
– Et je t'achète quoi?
– Un pain, quelques pommes, et deux ou trois carottes si tu as la chance d'en trouver.
– Tu vas les faire cuire où, ces carottes?
– Décidément, tu veux tout savoir! répond Genovieva en riant... Je ne peux rien cuire, ici. Mais je les mangerai crues. C'est très bon, même quand il fait froid. Par bonheur, mon grand frère vient me voir assez régulièrement. Parfois, il peut m'apporter un peu de nourriture de la maison. Quelle fête!...

– Va vite, Ghiocel, ajoute la jeune fille, et surtout sois prudent!
– Ne crains rien: j'ai appris à faire attention! A bientôt, Genovieva!

Une heure plus tard, Ghiocel est de retour, tout fier de ses achats. Avant de pousser la porte de l'église, discrètement il a regardé à droite, puis à gauche.
– Personne ne m'a suivi, et personne ne m'observe. J'y vais! Et vite il est entré.
– Voilà le pain, et voilà des carottes! s'écrie-t-il, tout heureux. Tu sais, Genovieva, personne ne m'a vu venir ici... Pour le pain, j'ai dû faire la queue. Mais elle n'était pas trop longue,
– Merci, Ghiocel. dit la jeune fille en embrassant l'enfant sur une joue toute froide. Tu m'as évité de devoir me montrer dans la rue. C'est mieux ainsi. Mais comment as-tu fait pour trouver ces carottes?
– J'ai passé dans trois magasins. Dans le troisième, ils en avaient. Alors, je n'ai pas hésité. Dis, Genovieva, ajoute l'enfant comme pour demander une grande faveur... tu me racontes une nouvelle histoire de la Bible?
– D'accord ! Asseyons-nous là.
– Pas celle de Joseph, ni celle de Pierre, je les connais déjà!

– Bon ! Eh bien... ce sera le premier chapitre de la merveilleuse histoire d'un jeune garçon comme toi. Quand il avait ton âge, ses parents lui ont appris à vivre dans la crainte de Dieu. Heureusement qu'ils l'ont fait, car un peu plus tard, des troupes ennemies sont arrivées dans son pays. Avec d'autres camarades, tous instruits et sympathiques comme lui, ce jeune garçon a été pris en otage, puis emmené très loin pour être serviteur à la cour d'un grand roi qui ne connaissait pas Dieu. Sais-tu qui était ce jeune garçon? Il s'appelait Daniel. Tout un livre de la Bible relate ses aventures. Un jour...

Genovieva raconte, raconte encore, comme si elle parlait à tout un groupe d'école du dimanche. Elle n'a qu'un auditeur, mais si captivé qu'il écouterait pendant des heures.

– Il ne faut pas que tes parents soient inquiets, Ghiocel, doit dire la jeune fille au bout d'un long moment. Va vite à la maison. Quand tu reviendras, je te raconterai la suite. D'accord?
– D'accord, Genovieva. Je passerai sûrement demain. Tu seras là?
– Oh oui, Ghiocel! tu peux en être sûr!

Texte: Samuel Grandjean