Aracy - A la station missionnaire

- Caiua… caiua… allons, répète: ca-i-u-a… Oh! Tu n'as vraiment pas l'air décidé, aujourd'hui! dit Aracy en secouant la tête. Tu ne veux pas parler? Eh bien, tant pis!

A qui notre petite amie peut-elle bien s'adresser? Tente-t-elle d'arracher quelques premiers mots à un tout petit enfant? Donne-t-elle une leçon de langue à un jeune Indien? Non, ce n'est pas du tout cela.

Indifférent, son "élève" penche un peu la tête en fixant sa maîtresse d'un œil tout rond.

Des plumes vertes, d'autres rouges, jaunes, bleues… Un petit Indien en tenue de fête? Mais non! C'est tout simplement un joli perroquet!

Il y a longtemps qu'ils se connaissent, Aracy et lui. Parfois, quand elle rentre de l'école, de son arbre il la voit. Alors, en quelques coups d'aile, il vient se poser sans façon sur l'épaule de la jeune Indienne. Et puis, il l'accompagne jusque dans la maison, espérant sans doute une petite friandise. Mais il sait aussi se contenter de quelques caresses.

Pas d'école cet après-midi. Tant mieux. Il fait si chaud! Aracy s'assied un moment à l'ombre d'un immense gommier. Puis elle s'en va, flânant en compagnie de son bel oiseau. La voici près d'un des pavillon de l'hôpital. Se souvient-elle du temps qu'elle y a passé, à cinq ans? Elle était si frêle, et n'avait que peu de chances de vivre.

Soudain, dans sa blouse blanche, une personne apparaît.
- Bonjour, Dona Nelli! Qu'est-ce que vous faites? s'écrie l'enfant.
- Eh, bonjour, Aracy! Regarde, je me promène, une seringue à la main,. Je dois faire une prise de sang à l'un de nos malades, et je ne sais pas où le trouver. Il est peut-être en balade. mais où?

Dona Nelli a disparu à l'angle du bâtiment.
Après des études de sage-femme, Dona Nelli a quitté la Suisse pour exercer une activité missionnaire au Brésil. Que de petits Indiens elle a déjà vu naître!

Timoteo, son mari, travaille aussi à la station missionnaire. Sa tâche est importante: il répare, il repeint, il agrandit des pièces, en construit de nouvelles. Sa semaine est remplie. Pour ce couple, la vie au Mato Grosso n'est pas toujours facile. L'activité missionnaire n'est pas faite de villégiature ou de tourisme. Timoteo et sa femme logent dans une barque. Ils travaillent beaucoup, sont peu payés. mais quelle joie ils ont! Rentrer en Suisse? Ah, non! Ils se sentent si bien, parmi les Indiens. Le dimanche, ils s'en vont à dix, quinze, vingt kilomètres: d'autres Indiens ont le droit de savoir que Dieu leur veut du bien. Il faut aller le leur dire.

A la station, Dona Nelli passe la majeure partie de son temps dans un laboratoire. Elle fait des analyses utiles pour le traitement des malades. Une fois par semaine, elle réunit les femmes et les enfants hospitalisés. Ils ont le temps d'écouter des récits de la Bible, le temps aussi d'apprendre de beaux chants. Voici les paroles de l'un d'eux:

Toc, toc, toc ! Ok?-my ombota-va.
Toc, toc, toc ! Upe-py ogwh?-va
Aa Hes oikese xe py'a-py
Eju, eju, eike
Eiko xe py'apy-py.

Vous qui lisez ce récit, vous le connaissez peut-être, ce fameux chant: "Toc, toc, toc". Alors essayez de le chanter en caiua! (Si vous ne connaissez pas ce chant écoutez-le ici en français).

Une jeune Indienne tuberculeuse est arrivée à l'hôpital, avec son enfant de deux ans.
- Je ne pouvais pas le laisser seul, là-bas!
Depuis lors, le tout petit Indien suit sa maman partout, même quand on se retrouve avec Dona Nelli. Un soir, tandis que les femmes chantent, le petit joue par terre, mais s'agite un peu trop.
- Ecoute! dit alors Dona Nelli à la jeune maman, il est tard à présent. Il faut coucher ton enfant. Vas-y! Ensuite, tu reviendras et nous chanterons encore. On t'attend. D'accord?

L'Indienne regrette de partir, mais elle obéit. A peine est-elle de retour, savez-vous ce qu'on aperçoit sur le sol, là où l'enfant jouait quelques minutes plus tôt? Un serpent, et de la pire espèce. Même à l'hôpital, il aurait été bien difficile de sauver le petit, s'il avait été mordu!

Les jeunes qui vivent à la station missionnaire ont aussi l'occasion de se réunir pour étudier la Bible. Aujourd'hui, Aracy est heureuse de retrouver une Dona Nelli qui n'est pas en blouse blanche. Pas besoin d'une tenue d'infirmière, pour s'occuper de jeunes.
- Aracy! Que penses-tu faire, plus tard? demande Dona Nelli en attendant les autres adolescents. Un beau sourire éclaire le visage d'Aracy.
- Je veux être missionnaire!
- Oh! C'est très bien, Aracy. Mais il te faut un métier. Tu vois, j'ai commencé par devenir infirmière. Alors seulement, j'ai pu venir ci.
Eh bien moi, répond la jeune Indienne, je serai… maîtresse d'école !

Dona Nelli hésite un instant, puis ajoute:
- Jamais encore une jeune Caiua n'a entrepris des études pour obtenir le diplôme brésilien d'enseignante. Mais, si Dieu t'appelle à cela, il peut te donner les capacités et la volonté d'aller jusqu'au bout. Tu veux vraiment servir Dieu? Tu désires te laisser diriger par lui? Alors il ouvrira le chemin devant toi, j'en suis sûre.
- Vos paroles m'encouragent, Dona Nelli!
- Mais celles de Dieu valent bien plus! Regarde ce qu'il dit dans le Psaume 32, au verset 8:
"Je t'instruirai et te montrerai la voie que tu dois suivre; je te conseillerai, j'aurai le regard sur toi." Cette promesse est aussi pour toi, Aracy!

La jeune Indienne ira-telle de l'avant? Réussira-t-elle ces études? Sera-t-elle un jour institutrice? Nous le saurons bientôt.

Texte: Samuel Grandjean