Aracy - Dans la forêt du Matto Grosso

La petite Aracy, qui a trois ans, vit au lointain Brésil, avec ses parents et sa soeur Joanna, dans l'immense forêt vierge du Mato Grosso. Avec d'autres indiens de la tribu Calua, elle est née dans la réserve de Takuapiri. Sa maison: une maloca de paille et de bambou. Au ruisseau, on trouve l'eau pour boire, se laver, faire la lessive. Le père d'Aracy et de Joanna part souvent à la chasse. Ses armes? Un arc et de longues flèches.

- Il revient, il revient! crie Joanna, heureuse de voir son père rentrer de la chasse.

Au sourire de l'Indien, la fillette comprend qu'il a pris du gibier.
- Un tatou, Joanna! Regarde comme il est gros. On le mangera ce soir!
- De la viande. Quelle fête! Je vais chercher du bois pour le feu!

Chez ces indiens, pas de table. On mange accroupi par terre. Pas d'heure pour les repas. Quand il y a de la nourriture, les femmes la préparent dans un grand récipient. Chacun vient se servir quand il veut. Hélas! parfois le grand plat reste vide, et les enfants ont faim…

Aujourd'hui, assis par terre près de la maloca, la petite Aracy fait une curieuse trouvaille:
- Oh! la jolie bande d'étoffe! pense-t-elle en saisissant l'objet qui traîne sur le sol.

Cette chose insolite n'était pas là, il y a un moment. Qui peut l'avoir amenée?
- Tiens! c'est souple, et ça bouge! constate inconsciemment l'enfant. Mais Aracy ne remarque même pas deux petits yeux tout ronds à l'une des extrémités, et une pointe à l'autre.
- Oh, c'est beau! pense la petite. Si j'enroulais ça sur mon doigt… ou sur mon poignet? Ah, oui! Quel joli bracelet!
- Un serpent! crie soudain la mère de l'enfant, épouvantée. Jette-le tout de suite, Aracy! où donc est Joanna?

Bien sûr! La grande sœur de sept ans devait surveiller Aracy, mais Joanna est allée au ruisseau pour y chercher de l'eau.

Interloquée, la petite ouvre de grands yeux. Que sait-elle du danger, elle qui n'a que trois ans, qui vit au cœur de la forêt vierge, à trois cents kilomètres de l'hôpital le plus proche?

Quelques secondes plus tard, une baguette de bambou vient frapper le dangereux reptile. Aracy paraît tout étonnée. Pourquoi pareille guerre contre une si petite chose?
- Ouf! le danger est écarté! soupire bientôt sa mère. Mais, brusquement privée de son jouet, Aracy se met à pleurer! Qu'importe ses larmes. Plus tard, elle comprendra!

Dire que dans cette immense forêt, une mignonne petite indienne a failli perdre la vie… si tôt!

Sans bruit, la nuit descend sur la grande forêt. Comme chaque soir, la famille d'Aracy se rassemble autour du feu. Alors les Indiens entonnent une longue mélopée. Ils vivent dans la crainte des dieux de la nature. On doit les apaiser en les remerciant pour la journée, pour la pluie de l'autre nuit, pour la chasse réussie, pour la viande de tatou, qu'avec tous les amis on va manger ce soir…

Plus tard, sous le chaume de la maloca, pelotonnée dans son panier suspendu à une poutre, une petite Aracy s'endort en rongeant un os de tatou. Doucement elle glisse dans un monde de rêves, peuplé de perroquets, de singes et de "bracelets-vivants" qu'il est défendu - même pour s'amuser - d'enrouler autour de son poignet.

Texte: Samuel Grandjean