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Avortement et procréation artificielle

Questions:

Lors d'un entretien d'embauche pour une ONG humanitaire, pour un poste de soutien aux actions médicales, la chargée RH m'a demandé si cela me poserait problème d'apporter mon soutien aux médecins: il arrive couramment qu'ils pratiquent l'avortement sur des femmes qui ont été violées. A la suite de cet entretien beaucoup de questions ont surgi dans mon esprit, à savoir:
- Doit-on interrompre une grossesse suite à des viols, l'inceste, une malformation du fœtus, un risque de mort de la mère ?
- Le recours aux mères porteuses est-ce bibliquement acceptable ?
- Pareil pour le don de sperme ?

Réponse:

Ces questions sont complexes et elles obligent à bien appliquer les principes bibliques à des situations qui n'existaient pas à l'époque mais qui sont rendues possibles par les progrès scientifiques de ces dernières années.
Sans entrer dans tous les détails, je vous propose quelques pistes de réflexion. Je commence par tout ce qui touche l'avortement (j'utilise volontairement ce terme, parler d'une «interruption de grossesse» est à mon avis une manière de cacher ce qui se passe réellement: la destruction volontaire d'un être vivant):

1) Le principe général est que Dieu est un Dieu de vie qui valorise la vie et protège aussi les plus faibles, parmi lesquels l'enfant à naître, être totalement sans défense mais bien vivant.

2) Des textes comme Psaumes 139.13-16 et Luc 1.41-44 soulignent clairement que les Ecritures désignent l'enfant à naître comme une personne et ce, bien avant la naissance.

3) Dans un cas de viol, inceste ou malformation, le principe général est donc de préserver la vie de l'enfant. La personne abusée risque même de subir un traumatisme supplémentaire s'il y a avortement. Un avortement n'est donc pas la solution pour régler une situation douloureuse et complexe.
Sans recommander ce choix, nous devons toutefois éviter des condamnations hâtives en présence de personnes violées qui ont pratiqué l'avortement. Les conséquences psychologiques et sociales liées à un viol sont plus importantes que ce que nous pourrions imaginer et nous serions peu inspirés en étant trop durs avec les victimes de cet acte terrible, sans pour autant justifier l'avortement.

4) Dans un cas d'abus sexuel, la communauté chrétienne qui encourage la femme à mener sa grossesse à terme devrait aussi idéalement l'aider à vivre sa grossesse et à s'occuper de l'enfant né. L'investissement est très lourd, mais il ne serait pas juste de donner une règle de conduite et de laisser la personne dans une situation de détresse sans chercher à l'aider et la soulager (Jc 2.15-16) !

5) Lorsque la vie de la mère est en danger, il n'est pas possible de donner une ligne de conduite générale. Les décisions se prennent au cas par cas. Il y aura parfois un risque à courir en décidant de mener la grossesse à terme... et dans d'autres situations un avortement pourrait se justifier pour préserver la vie de la mère, seul cas où l'avortement est bibliquement justifiable puisqu'il n'est pas possible de sauver les deux vies.

6) Nous vivons une époque qui met de plus en plus l'accent sur les droits individuels: «J'ai le droit de disposer de mon corps», «C'est ma vie, je fais ce que je veux»... Il est difficile d'expliquer aux non-chrétiens nos raisons bibliques pour valoriser la vie et nous risquons d'être mal compris, voire rejetés. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas essayer mais nous devons être conscients des difficultés. Lorsque nous présentons nos arguments, nous devons être conscients que nous ne sommes ni justes par nous-mêmes ni supérieurs aux autres. Nous avons besoin de la grâce de Dieu jour après jour dans tout ce que nous faisons; nous ne pouvons rien faire sans l'aide et le secours de Dieu.

Les questions soulevées par les techniques de fécondations actuelles sont également nombreuses et complexes. Je ne raisonne pas en tant que médecin (je n'ai pas de compétence médicale particulière), mais à partir des données bibliques sur l'être humain.

Il n'est pas possible de dire si le recours aux mères porteuses est «bibliquement» acceptable et je ne veux pas donner un avis définitif et aussi tranché que sur l'avortement où les données bibliques existent.

Le don de sperme pour permettre à un couple stérile d'avoir des enfants va poser la question de l'identité de l'enfant à naître. Il me semble, avec d'autres chrétiens dont je m'inspire pour répondre ici, que nous devons envisager les progrès scientifiques pour réparer et préserver l'être humain en fonction des intentions du Créateur.
Lorsqu'un enfant perd ses parents, il est ainsi possible qu'il soit adopté.
En revanche, faire venir au monde un être humain à partir du matériel génétique qui n'est pas celui de ses deux parents est différent et pose problème. La question de l'identité de cet être humain est ambigüe et il me semble que nous ne devons pas créer de telles situations. Je suis donc défavorable à cette pratique, d'autant plus si l'enfant à naître ne connaît pas son origine. Cette pratique pose problème pour l'identité de l'enfant (qui a besoin de savoir qui sont ses vrais parents) et aussi pour des raisons médicales (connaître son patrimoine génétique est important). Il n'est pas non plus recommandable de mentir à l'enfant quant à ses origines.

Le même raisonnement s'applique aux mères porteuses. La relation qui s'est tissée entre la mère porteuse et l'enfant qu'elle porte n'est pas anodine et l'enfant qui naît ne découvre pas sa mère au moment de l'accouchement parce qu'il a déjà tissé une relation avec elle in utero. On peut aussi ajouter que les mères porteuses sont souvent rémunérées, ce qui relègue le corps humain au rang d'une machine, dérive inquiétante. Si la médecine peut réparer certains dysfonctionnements, il me semble que les mères porteuses vont plus loin que les intentions divines en portant non seulement leurs propres enfants mais aussi les enfants des autres.

Je termine par trois remarques:

1) Cette position peut paraître délicate pour un couple qui cherche à avoir des enfants et vit une grande souffrance. Ce couple aura besoin de soutien par Dieu et par l'Eglise pour traverser cette épreuve, mais il ne me semble pas que toutes les solutions médicalement possibles soient bonnes.

2) Je suis conscient que d'autres chrétiens peuvent avoir des positions différentes de la mienne et que je ne peux pas me mettre à la place de couples qui ne peuvent pas avoir d'enfants. Une partie de notre témoignage chrétien dans ce monde est de reconnaître la valeur de la création divine, et notamment la valeur de l'être humain tel qu'il est créé par Dieu, même si ce témoignage implique une souffrance personnelle.
J'écris ces mots en tremblant, sachant que je ne suis pas capable par mes propres forces de les appliquer à ma vie. Le soutien de la communauté chrétienne à des couples qui passent par la souffrance est là encore indispensable.

3) Ces quelques éléments de réflexion sont donnés dans un cadre chrétien. Si vous devez apporter votre aide à du personnel médical non chrétien, vous pouvez refuser de participer à l'une ou l'autre pratique selon votre conscience et votre compréhension de la Bible.
En revanche, nous devons être prudents dans notre manière de présenter certains arguments aux autres, notamment dans les situations qui ne sont pas très claires, même avec les données bibliques, comme dans les cas évoqués ici.

Merci d'avoir pris le temps de me lire jusque là. La réponse est longue mais je n'ai fait que survoler ces sujets. Il y aurait beaucoup à dire pour nuancer, compléter, argumenter tant ces sujets sont délicats. Pour aller plus loin, je peux vous recommander un ouvrage, si vous avez la possibilité et le désir de creuser la question. Il m'a aidé à vous répondre:

Question de vie et de mort - La foi et L'éthique médicale
Auteur: John Wyatt  Editeur: Excelsis

Olivier

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